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LA LITTÉRATURE FRANÇAISE AU XVIe SIÉCLE.

côté de ces sentimens souvent forcés viennent se placer des sentimens, des expressions, des peintures d’une nature moins relevée et plus terrestre. Une sensualité vive et parfois grossière forme le plus étrange contraste avec les délicatesses d’un sentimentalisme exalté. Ce contraste, c’est celui des mœurs et de l’imagination, des mœurs qui sont les mœurs du temps, de l’imagination qui est encore par souvenir, par un dernier retour vers le passé, l’imagination du moyen-âge.

Enfin, dans la dernière partie du XVIe siècle, la chevalerie va se retirant toujours, de plus en plus, des mœurs et des sentimens qui, sous les influences de la corruption italienne et du fanatisme religieux finissent par perdre presque toute trace d’honneur et de générosité. En ces temps funestes et sanglans, le besoin de l’idéal chevaleresque, l’habitude des sentimens qui s’y rattachent, subsistent encore dans les ames comme un écho après un écho ; et alors, pour satisfaire à ce besoin qui survit, pour ainsi dire, à sa cause, pour satisfaire à cette habitude qu’on a prise et qu’on ne peut se résigner à perdre, on imagine de transporter l’idéal des sentimens romanesques après l’avoir encore raffiné, et lui avoir ôté tout ce qui pouvait lui rester d’une réalité quelconque, on imagine de le transporter dans un monde purement fictif, de le placer non plus parmi des chevaliers, car il n’y a plus de chevaliers, mais parmi des bergers imaginaires. C’est ainsi que la fin du siècle verra naître ce dédale de subtilités, de délicatesses amoureuses, si patiemment développées et nuancées si savamment dans l’interminable Astrée.

Au moyen âge, à côté de l’épopée chevaleresque, est le fabliau ; de même que l’épopée chevaleresque se fait prose au XVIe siècle dans les romans de chevalerie, de même le fabliau du moyen-âge devient nouvelle ; le XVe siècle a produit le recueil des cent nouvelles Nouvelles ; le XVIe voit naître l’Heptaméron de la reine de Navarre, et les Contes de Bonaventure Desperiers. Dans cette continuation en prose, le fabliau du moyen-âge a conservé toute sa gaieté, et, malheureusement, a conservé aussi toute sa licence.

Marot, le plus ancien de nos auteurs que Boileau ait adopté, Marot est sorti d’un groupe de poètes qui eux-mêmes appartiennent à une famille née au XIVe et au XVe siècle, après les trouvères. Mais, en même temps que Marot se rattache à eux par la nature et la forme de ses compositions morales, galantes, satiriques, il s’en détache parce qu’il a tout ce qui leur manque, la grace, la finesse, l’enjouement. Marot a publié des éditions du Roman de la Rose et des poésies de