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DOCUMENS INÉDITS SUR MARIE STUART.

Randolf, le signale dès l’année 1565 sous des couleurs si fortes et si piquantes. Un valet de chambre, nommé Mingo, dont l’histoire n’a rien dit, mais dont Randolf cite le nom, et un Italien nommé Riccio, musicien, Piémontais, homme amusant, bon mime, devenu secrétaire de la reine, menaient ces intrigues : Darnley, faible tête ébranlée sous la couronne que la beauté d’une reine lui jetait, n’oubliait rien pour accroître l’aversion publique. Impertinent comme un parvenu, hautain envers les nobles, rudoyant les bourgeois, revêtu d’habits magnifiques, somptueux jusqu’au ridicule, il étalait un faste insultant et une présomption sotte ; plus de courtoisie, plus de convenance[1]. À l’entendre, un parti puissant se formait en Angleterre pour le soutenir ; les protestans allaient trembler ; il jouait le tyran avant de l’être. Un seul homme avait accès près de lui, ce même Riccio que l’on détestait comme Italien et comme catholique. Marie, imprudente et passionnée créature, ne voyait pas qu’une auréole de haine se formait autour d’elle. Le père de Darnley, Lennox, y contribuait aussi. « Milord Lennox (dit le révélateur anglais) n’a plus un seul schelling ; il vient d’emprunter cinq cents couronnes à lord Lethington ; il lui reste à peine de quoi nourrir ses chevaux. Si vous (Élisabeth) lui coupez les vivres, il sera demain réduit aux derniers expédiens. Sa suite et ses gens sont d’une arrogance qui excite le courroux public. Plusieurs vont à la messe et s’en font gloire. Personne ne leur rend plus visite, tant on est las de leurs façons d’agir. Je vous écris cela avec plus de peine et de chagrin que sous l’influence d’aucune passion… » Marie se perdait ; Randolf le voyait bien.

Tout s’opposait à cette union : Élisabeth, les seigneurs, les bourgeois, le protestantisme, Murray lui-même, frère naturel de Marie. À tant d’obstacles, elle opposait la violence de son désir. Un jour que Murray se trouvait avec elle dans la chambre de Darnley, elle prit son frère à part et glissant un papier dans sa main :

— Beau frère, lui dit-elle (ce dialogue se trouve tout entier chez Randolf), signez ceci[2].

Murray parcourut de l’œil le document auquel on le priait d’apposer sa signature. C’était un consentement au mariage projeté et une promesse d’y contribuer de tous ses efforts.

  1. Archives d’état. Randolf à Cecil, 4 mars 1561-15 janvier 1564.
  2. Ibid., 8 mai 1565.