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durant les quinze années qui suivirent, attacher avec honneur son nom à des ouvrages étendus et médités : Marie Stuart, le Cid d’Andalousie et le Poème de la Grèce. Sa seconde manière, la seule sous laquelle il soit connu, va se produire.

Un prix d’académie commença de le mettre en lumière, car Ulysse s’était comme perdu dans le bruit des circonstances politiques. Son épître sur le Bonheur de l’étude partagea avec la pièce de M. Saintine la couronne décernée par l’Académie française en 1817. Dans ce même concours où Charles Loyson obtint l’accessit, on distinguait le nom surgissant de Victor Hugo ; la jeune milice de la restauration s’essayait. M. Lebrun était déjà d’une génération assez antérieure : son premier concours eût été naturellement de 1805 ; mais il recommençait en quelque sorte.

Le genre académique heureusement ne le retint pas. Ce qui distingue les tentatives de M. Lebrun au théâtre ou dans le poème, c’est un certain degré d’innovation. Si l’Empire avait subsisté, cette innovation se serait-elle produite dans son sein ; en serait-elle graduellement sortie ? je le crois. Déjà, sous la fin du Directoire, on avait vu la littérature d’alors, celle qui datait de l’an III, en train de se modifier par Lemercier, par Benjamin Constant, par Mme de Staël, qui y appartenait à cette époque. Le Consulat vint et brisa le développement, la transformation dès-lors très sensible. Rien d’analogue ne s’était encore produit au sein de la littérature impériale proprement dite ; mais, quelques années encore, et immanquablement on aurait eu quelque chose qui s’y serait essayé, même à travers les entraves. Les grandes émotions de l’Empire devaient avoir leur contre-coup et leur après-coup en littérature. — « Pour moi, je l’avoue, disait un jeune colonel au spirituel M. de Stendhal, il me semble, depuis la campagne de Russie, qu’Iphigénie en Aulide n’est plus une aussi belle tragédie. » — La seconde génération de l’Empire, un peu plus tôt, un peu plus tard, devait en venir là. La restauration, en brisant, hâta et mit en demeure de faire. M. Lebrun, l’un des premiers, ressentit en poésie ce besoin de nouveau, surtout de naturel, et travailla de son point de vue à le servir. Pour bien définir son rôle, je dirai de lui qu’il est le plus jeune des poètes de l’Empire, de même qu’on pourrait dire de M. Delavigne ou de M. de Lamartine qu’ils sont les aînés des poètes de la restauration. Eh bien ! lui, ayant déjà assez avant l’empreinte de l’époque antérieure, il ne s’y est pas immobilisé ; mais, prenant la chose dramatique au point juste où elle était, il l’a poussée du premier jour à l’innovation dans une mesure