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ouverte aux prières des chrétiens de tous les pays et de toutes les communions. Il serait en effet difficile qu’il pût sortir de l’intervention des signataires du traité du 15 juillet un établissement exclusivement catholique, mais il serait encore plus difficile de faire en sorte que les catholiques voulussent s’associer aux dissidens dans une fondation essentiellement religieuse. Ils regarderaient peut-être cette association comme une profanation plus déplorable que la domination des musulmans.

Mais ce n’est pas là, bien s’en faut, ce qui préoccupe dans ce moment les esprits et ce qui mérite toute l’attention des hommes politiques. La question des armemens et des fortifications de Paris, les observations adressées de Vienne et de Berlin à notre cabinet, enfin la dépêche que M. de Nesselrode vient de faire communiquer officiellement à M. le ministre des affaires étrangères, ce sont là les trois points essentiels de toute discussion politique dans ce moment.

Nous ne reviendrons pas sur le premier. Fortifier Paris et maintenir les armemens de précaution qu’on a appelés la paix armée, c’est pour nous une politique d’autant plus nécessaire que le contraire serait à nos yeux une honte et presque une trahison. Sans doute nous ne voulons pas dire par là que la France devra toujours avoir cinq cent mille hommes sur pied, mais elle doit les avoir aujourd’hui, dans la situation d’isolement qu’on lui a faite et qu’elle doit garder avec la fierté calme et prévoyante qui sied à une grande nation. Et sur ce point et sur celui des fortifications, le ministère déclare formellement que ses intentions sont tout-à-fait conformes aux projets qu’il a présentés, qu’il partage sur ces deux points les opinions que nous avons toujours défendues. Nous le croyons et nous sommes charmés qu’il en soit ainsi.

Il est donc deux grandes questions sur lesquelles, Dieu soit loué, tout le monde est d’accord : l’armement de précautions et les fortifications de Paris. Nous disons tout le monde, bien qu’il puisse y avoir quelques obscures et timides dissidences. On peut donc espérer qu’à l’occasion de ces grandes questions, la tribune ne retentira plus de ces violens débats qui substituaient les personnes aux choses, et rabaissaient les affaires du pays au niveau d’une querelle de club ou d’une haine de famille. On peut espérer qu’on ne sera plus forcé de s’écrier : Au nom de Dieu, messieurs, parlez-nous de la France, de ses intérêts, de ses affaires ; que nous importent vos personnes, vos antécédens, votre avènement, votre chute, les exploits de vos amis, les fautes de vos adversaires ? il s’agit bien de cela en présence de l’Europe, liée, si ce n’est pas tout-à-fait contre nous, du moins malgré nous et dans des intérêts qui ne sont pas les nôtres, en présence de l’Europe qui cherche à inspirer contre nous d’injustes alarmes, à rendre notre puissance suspecte, en profitant de l’ignorance où les gouvernemens sont parvenus à tenir les peuples sur leurs vrais intérêts.

Au reste, nous sommes convaincus que si tout devait se passer d’un côté entre l’illustre rapporteur de la loi des fortifications et quelques-uns de ses