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REVUE. — CHRONIQUE.

suffisamment épurés et des formules savamment élaborées, puisqu’on fait au conseil d’état l’honneur incroyable de craindre que, si on le chargeait de faire ces expériences par voie de règlement, il pourrait un beau jour détrôner les deux chambres, il faut bien se résigner à l’esprit du temps et marcher sur la route qui nous est ouverte. Dès-lors l’essentiel est d’avoir une loi le plus tôt possible et de commencer l’expérience. Si la chambre des pairs touche à la loi, qui certes est loin d’être parfaite, après avoir perdu déjà une année, on en perdra une seconde, et en attendant le mal subsiste, les enfans souffrent, les mauvaises habitudes s’enracinent, et les intérêts égoïstes deviennent d’autant plus âpres, plus actifs, plus féconds en mauvais expédiens, qu’ils se sentent plus menacés. Nous espérons que la chambre des pairs ne discutera point la loi, ou que du moins elle n’y fera pas d’amendemens, encore une fois, non parce que la loi est bonne, mais parce qu’il importe avant tout, au point où en sont les choses, qu’une loi sur la matière soit mise à exécution.

Il est vrai, trop vrai, d’un autre côté, que ce sera là la première affaire de quelque importance dont la chambre des pairs aura cette année à s’occuper. Il y a deux mois que le parlement est assemblé, et on pourrait presque dire que la chambre des pairs n’a pas encore siégé. Le gouvernement n’a pas trouvé dans son portefeuille un projet de quelque valeur à lui soumettre. Aux derniers jours de la session, lorsqu’on aura fait ses adieux à la chambre des députés, qu’au su et vu de tout le monde messieurs les députés auront presque tous repris le chemin de leurs départemens, on ira à la chambre des pairs lui demander, par toutes sortes de mauvaises raisons, d’adopter, sans y changer un mot, une virgule, tous les projets qu’on aura pu obtenir de l’autre chambre. Que les hommes de certaines opinions trouvent cela bon et conforme à leurs vues, nous le concevons sans peine, et nous n’en sommes ni scandalisés ni surpris. Disons plus : les opinions sincères, conséquentes, qui, sans attenter violemment à ce qui est, profitent habilement des brèches qu’on veut bien leur ouvrir, si elles n’ont pas nos sympathies, ont du moins droit à notre respect. Ce que nous ne concevons guère, c’est que les conséquences de l’abandon qu’on paraît faire d’un des grands pouvoirs de l’état, ne soient pas vivement senties par les serviteurs les plus dévoués et les plus intelligens de la monarchie constitutionnelle. Il faut que la chambre des pairs fasse, sans humeur comme sans crainte, sentir son droit ; elle se le doit à elle-même, elle le doit à la chose publique. Mais, encore une fois, nous espérons qu’elle ne prendra pas pour point de résistance le projet de loi sur le travail des enfans dans les manufactures ; l’humanité commande d’en finir avec ce projet ; une loi imparfaite vaut mieux qu’un nouveau retard.

M. le ministre des finances vient de présenter à la chambre des députés le budget de 1842. Nous n’avons pas le temps de l’examiner avec l’attention qu’on doit à un travail de cette importance.

Seulement nous avons vu avec plaisir que notre situation financière, même en comptant les nouvelles dépenses, n’est pas, à beaucoup près, aussi mau-