Page:Revue des Deux Mondes - 1841 - tome 25.djvu/144

Cette page a été validée par deux contributeurs.
140
REVUE DES DEUX MONDES.

tres, quelques fautes commises, la question n’est pas là, et aucun ministère, que nous sachions, ne peut prétendre à l’infaillibilité. Voici, selon nous, ce qui, indépendamment de toutes les chicanes, caractérise nettement, dans cette grande affaire, la conduite du 1er  mars. Avant le traité, il n’a pas consenti à sacrifier même à l’alliance anglaise la politique traditionnelle de la France, la politique que par un sentiment d’honneur bien entendu, et par une juste appréciation de ses intérêts, le pays tout entier avait approuvée et consacrée. Après le traité, il n’a point voulu accorder à la menace ce qu’il avait refusé à la prière, et il a donné clairement à entendre, sans forfanterie comme sans faiblesse, que l’Europe devait opter entre une concession et la guerre. En même temps, par des armemens sérieux et poussés avec activité, il a prouvé que, pour lui du moins, il ne s’agissait pas d’une vaine démonstration. Quand enfin les évènemens se sont pressés et sont devenus plus graves, il y a vu, non comme d’autres, un motif de reculer, mais une raison de redoubler d’énergie et de se préparer à passer prochainement de la parole à l’action.

Voilà, non dans ses détails et ses moyens d’exécution, mais dans sa pensée principale et dominante la politique du 1er  mars. Le premier depuis quatre ans, ce ministère a osé regarder I’Europe en face, et lui déclarer que de gré ou de force il fallait compter avec la France. Le premier depuis quatre ans, il a protesté contre l’opinion déshonorante dont lord Palmerston a été l’organe, et qui tend à nous faire tomber au rang de la Belgique ou de la Suisse. Le premier depuis quatre ans, il a posé sérieusement un cas de guerre et mis l’honneur et les intérêts du pays sous la sauvegarde de sa force. C’est ce qui fait que, malgré la conspiration de tant de passions et d’ambitions acharnées à le perdre, le ministère du 1er  mars est sorti de la discussion de l’adresse beaucoup plus fort qu’il n’y était entré.

Un pays ne peut demander à son gouvernement que sa diplomatie détourne tous les dangers, et que ses plans de campagne réussissent toujours. Ce qu’il a droit d’exiger, c’est que son gouvernement ne l’engage pas légèrement, et qu’après l’avoir engagé il ne se décourage pas à la première difficulté. Or, le ministère du 1er  mars a trouvé le pays engagé, et ce n’est pas lui qui s’est découragé.

À la vérité, parmi ceux qui, au début, pensaient et disaient que la France, plutôt que de laisser exécuter le traité du 15 juillet, devait lutter seule contre toute l’Europe et épuiser la dernière goutte de son sang, il en est qui, subitement éclairés, trouvent aujourd’hui ce