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DÉBATS PARLEMENTAIRES.

canon britannique, tous ces faits auraient donné à la France continuant ses armemens, pour obtenir une modification à un traité déjà accepté par la partie intéressée, une attitude vraiment difficile à qualifier.

Résumant en peu de mots cette longue histoire de nos déceptions diplomatiques, nous dirons qu’il n’y a pas trop à s’étonner si un échafaudage de négociations élevé sur le mensonge patent de la note du 27 juillet a croulé par sa base en nous couvrant de ses débris. Peut-être nous permettra-t-on d’ajouter que, du 1er  janvier au 1er  septembre, il a existé un moment décisif pour transiger, comme un moment décisif pour agir, et qu’on a laissé passer ces deux instans suprêmes sans profiter de l’un pour faire accepter à l’opinion quelques concessions nécessaires devant le péril d’une coalition imminente, sans user de l’autre pour une intervention directe et courageuse. La note du 8 octobre émanait sans doute d’une honorable inspiration, mais elle laissait la France désarmée en Égypte et en Syrie, alors que son concours y devenait indispensable, et faisait du cas de guerre un moyen de rétablir notre honneur en Europe plutôt que de maintenir nos intérêts en Orient.

La chambre s’est donc trouvée dans cette situation déplorable de se résigner aux actes consommés, en ne prenant pour l’avenir que de vagues et insuffisantes réserves, ou d’accepter un plan assis sur une hypothèse de résistance si cruellement démentie par les faits, douloureuse alternative qui a pesé à plus d’une conscience.

Puissent au moins le pays et son gouvernement prendre au sérieux la situation qui nous est faite ! Puissent-ils comprendre que toute démonstration empressée pour sortir d’un isolement plus redoutable aux autres qu’à nous-mêmes serait à la fois une atteinte à la dignité nationale et la plus énorme des fautes ! S’il existait quelque part l’arrière-pensée de reprendre à la première démonstration amicale venue de Londres, et le cours de nos anciens rapports, et notre place dans cette conférence où la France siégerait désormais au-dessous de la Prusse ; si l’on avait conçu l’espoir de faire oublier à la nation le traité du 15 juillet, en accolant son nom à je ne sais quelle stérile et caduque garantie de l’intégrité de l’empire ottoman ; si l’on était dévoré du besoin de rentrer dans la communion des chancelleries étrangères, sans voir qu’entre la France et l’Europe la situation est radicalement changée depuis six mois, je plaindrais les hommes qui auraient conçu de telles pensées, car elles seraient l’arrêt de leur mort politique et le signal d’une inévitable réaction.