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DÉBATS PARLEMENTAIRES.

que si, au lieu de paraître menacer l’Europe tout entière par la violence et le vague même de ses projets, la France, maintenant soigneusement à la question son caractère exclusivement oriental, avait jeté, à l’instant même du traité dénoncé, quelques milliers de ses soldats dans Saint-Jean-d’Acre, et envoyé à sa flotte, non pas lors de la tardive scission du 2 octobre, mais durant l’unanimité des derniers jours de juillet, l’ordre de cingler vers Alexandrie, ne peut-on pas croire qu’un cours tout différent eût été imprimé aux évènemens dans ces contrées ? Les relations de chaque jour entre Alger et Toulon assuraient, ce semble, et la promptitude et le secret d’une telle expédition, qui ne contrariait pas d’ailleurs la lettre du traité, puisque celui-ci garantissait primitivement la place d’Acre au pacha d’Égypte. Quelle objection aurait du moins rencontrée un système de coopération analogue à celui qui avait prévalu pour l’Espagne, par exemple, un système qui, poussé avec ardeur, aurait donné en quinze jours au pacha d’Égypte, dans nos garnisons du midi et dans celles de l’Algérie, une force militaire supérieure à celle qui a renversé sa puissance ? Si des uniformes français s’étaient montrés en Syrie, si la France n’avait pas abandonné au hasard des évènemens les populations dont le cœur bat depuis tant de siècles à l’unisson du sien, si elle avait pris l’engagement solennel d’écouter leurs vœux et de faire droit à leurs justes griefs, n’est-il pas évident qu’une démoralisation soudaine n’aurait pas livré à quinze cents Anglais l’avenir de ces magnifiques contrées ?

On a beaucoup reproché au cabinet du 1er  mars ses résolutions du 2 octobre et la rentrée de l’escadre à Toulon. Sans le défendre à cet égard contre des reproches qu’il a paru accepter lui-même, nous dirons que l’inaction de la flotte nous paraît bien moins excusable avant le mois d’octobre qu’après la crise ministérielle de cette époque, et qu’à nos yeux tout avait cessé d’être possible du jour où l’on avait laissé l’Angleterre en mesure de dominer la côte entière de la Syrie, sans craindre de rencontrer la France devant elle. Le seul cas de guerre vraiment efficace et digne de nous était l’interdiction d’attaquer une place forte couverte par la présence de notre drapeau.

D’ailleurs, était-ce la guerre qu’une interférence conforme aux principes les plus rigoureux du droit des gens, en face d’un traité dont la portée peut échapper à ceux même qui l’ont conclu de bonne foi ? était-ce la guerre qu’une intervention conciliatrice en Syrie après que la paix du monde avait résisté à une intervention bien moins régulière à Ancône ? Non, ce n’était pas la guerre, nous en avons la con-