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tutions féodales, transplantées sur un terrain vierge, ne furent pas faussées, comme en Occident, par une quantité de droits acquis. Cette assertion méritait, à coup sûr, quelques développemens.

Nous nous abstiendrons de multiplier les critiques de détail. Encouragé par M. Guizot, qui a accepté la dédicace de son premier livre, M. Prat est à la source des bons conseils. Le maître qu’il a adopté est plus que tout autre en droit de rappeler que la fidélité scrupuleuse n’exclut pas le talent de la composition, et que, sans le rare et difficile accord de la science et de l’art, il n’est pas de succès éclatant dans la carrière historique.


L’Histoire de France depuis l’établissement des Francs dans la Gaule jusqu’en 1830, par M. Théodose Burette[1], vient d’être achevée. Elle offre plus qu’un résumé de tous les évènemens compris dans ces quatorze siècles. Sans entrer dans la discussion érudite, l’auteur a su se tenir au courant des résultats les plus importans, et les a pris dans le fil du récit. Pratiquant la bonne habitude moderne de puiser aux sources même, il a fait de nombreux et heureux emprunts aux textes des chroniques ; il en a éclairé en maint endroit et comme blasonné ses pages, non moins qu’avec les cinq cents dessins et vignettes par lesquels M. David les a illustrées. Il a su répandre ainsi sur une si longue étendue de siècles, dont plusieurs sont fort arides, quelque chose de cet intérêt agréable et facile que M. de Barante avait donné dans son Histoire des Ducs de Bourgogne à certaines portions des XIVe et XVe siècles. M. Burette a très bien observé pour son compte le ad narrandum non ad probandum. Il y a dans la suite des faits et gestes qu’il déduit une façon libre et déployée qui ne sent pas l’abrégé ; aucune note d’ailleurs ne vient avertir de l’effort. Toutes les notes ont été confiées, en quelque sorte, au crayon des artistes collaborateurs ; elles ne visent qu’à flatter le regard, et sont très multipliées ; elles font même tort au narrateur en un sens, en ce qu’elles dissimulent à chaque page, sous air de divertissement, le labeur et l’étendue de ses recherches. Le livre de M. Burette se donnera beaucoup en étrennes, mais plus d’un de ceux qui le donneront, se laissant aller à le lire, y profitera.


V. de Mars.
  1. Ducrocq, rue Hautefeuille, 22 ; 2 beaux volumes grand in-8, de plus de 600 pages chacun.