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QUESTION D’ORIENT ET DISCUSSION PARLEMENTAIRE.

lise au bas d’aucun traité. Osons nous avouer à nous-mêmes qu’à moins d’évènement nouveau, l’Orient est perdu pour nous. Sur quel bord, dans quelle cité pourrions-nous nous montrer pour revendiquer notre influence ? À Constantinople ? mais nous n’avons rien fait pour le sultan, et depuis dix-huit mois le divan n’a dû voir en nous que les patrons d’un rebelle. En Syrie ? mais les populations chrétiennes ou musulmanes n’y connaissent plus que le drapeau des Turcs ou des Anglais ; ni l’espoir ni la crainte n’y prononcent notre nom. En Égypte ? Méhémet, à qui la France demandait des concessions lorsqu’il était fort, en échange de son appui moral, ne l’a revue, dans ses jours d’infortune, que pour s’entendre conseiller d’accepter de la générosité britannique ce que la France lui avait garanti et ce que, vingt-quatre heures plus tard, elle lui laissait enlever à coups de canon. C’est sous le protectorat de l’Angleterre que doit se placer maintenant la contrée où quarante siècles ont contemplé les exploits de nos jeunes armées.

Est-ce en Europe que nous trouverions un point où l’influence française fût autre chose qu’un vain mot ? On ne peut plus parler de l’Espagne ni de la Belgique. Mais là même où l’on s’applaudit de notre changement de système, la sécurité nouvelle que nous inspirons est-elle une suite de notre force, et ne devinez-vous pas comment, à Saint-Pétersbourg ou même ailleurs, on qualifie notre sagesse, bien qu’on en profite ? Les auteurs même de notre conversion diplomatique ne sauraient sans trouble entendre de quel ton les louent les signataires du traité du 15 juillet, et l’on peut supposer quel sentiment inspire aux cabinets de l’Europe une politique qui s’est mise à les craindre, pour n’avoir pas réussi à les effrayer. Il y a vraiment des situations qu’on n’ose décrire, et le respect pour la patrie ne permet pas de lui dire toute la vérité.

Dans une telle position, toute agitation serait une faute. Quelque pénible que cette position puisse être, ne montrons pas trop de hâte d’en sortir. La France n’a qu’un rôle à jouer, qu’un devoir à remplir, c’est de renoncer à toute diplomatie, et d’organiser pour un avenir inconnu ses moyens de puissance. Fortifions Paris. Cela est peut-être plus nécessaire encore aujourd’hui qu’il y a six mois. Que des remparts s’élèvent autour du tombeau de celui qui n’en eut pas pour couvrir son trône.

On ne peut se défendre d’un triste rapprochement. Tout le monde le fera sans doute à l’heure où ces lignes se publieront. C’est lorsque la France est condamnée à une politique de faiblesse qu’elle reçoit