Page:Revue des Deux Mondes - 1840 - tome 24.djvu/853

Cette page a été validée par deux contributeurs.
849
QUESTION D’ORIENT ET DISCUSSION PARLEMENTAIRE.

par l’intervention de sir Robert Stopford et de l’amiral Bandiera, la paix est assurée en Orient. Que pouvait désirer de plus la politique pacifique de la France ? C’est la vraie politique du gouvernement de juillet, cette politique consacrée par une expérience de dix ans, et qui de succès en succès, de miracle en miracle, a placé notre pays au rang qu’il occupe dans le monde. Voilà comme l’évènement doit être jugé par les hommes d’ordre ; il n’y a que la presse libérale qui aura eu tort, et c’est encore une preuve que tout a tourné pour le mieux.

Quelque séduisante que soit cette manière d’envisager les choses, quelque attrait qu’elle puisse avoir pour les esprits élevés et les ames généreuses, nous demandons pourtant la permission de présenter l’affaire sous un autre jour, et de persister dans l’humble jugement qu’en avait porté la France entière avant le 29 octobre. C’est de ce point de vue que nous nous obstinerons à considérer et les évènemens, et la discussion parlementaire, et le cabinet actuel, et le dénouement qu’on présente à notre admiration.

La diplomatie est moins mystérieuse que jamais, on peut même trouver qu’elle l’est trop peu, et certainement, dans leurs relations politiques, les cabinets ne trompent aujourd’hui que le moins qu’ils peuvent. Cependant tout ne se dit pas, et il y a dans toute question européenne un certain nombre de phrases faites qui ne sont que des mensonges convenus, à l’effet de dissimuler la vraie pensée que personne n’avoue, mais d’après laquelle chacun raisonne. Tel est, par exemple, dans la question d’Orient, cet axiome tant répété : « L’équilibre européen veut le maintien de l’intégrité et de l’indépendance de l’empire ottoman. » Tous les cabinets de l’Europe ont adhéré à cette proposition ; la Russie elle-même n’y a pas trop contredit. Cependant pour tous les cabinets signifiait-elle la même chose ? Nul ne peut le penser.

Sans doute, à parler raison, la proposition est vraie. Quant à présent, l’équilibre européen doit être maintenu, c’est-à-dire que nulle puissance n’est, si elle est prudente et raisonnable, pressée d’opérer, même à son profit, un changement dans la répartition actuelle des territoires et des forces, telle qu’elle a été réglée par les derniers traités. De même, et par une conséquence évidente, l’empire ottoman doit continuer de n’appartenir qu’à lui-même, ou, pour mieux dire, il faut maintenir partout ce qui reste de la domination turque. Dans le présent, tous les cabinets peuvent s’entendre pour dire cela, et c’est une parole bonne à répéter.