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roi ayant un jour questionné M. Michaud sur ses opinions de jeunesse, dont quelques ames charitables l’avaient malignement informé, M. Michaud lui répondit : « Les choses iraient bien mieux, si le roi était aussi au courant de ses affaires, que sa majesté paraît l’être des miennes. » Ce point de départ actuellement connu explique sinon la vie, du moins le caractère de M. Michaud. Mais revenons à l’Académie.

Si le public a été long-temps privé de réceptions, les solennités de ce genre vont se succéder avec une rapidité qui a bien aussi son côté triste. Dans quelques jours, M. le comte Molé prendra possession du fauteuil de M. de Quélen. Ce n’est pas tout ; trois autres places sont en ce moment vacantes, et la nomination à tant de siéges n’est assurément pas pour l’Académie un médiocre embarras. Nous avons vivement blâmé les clameurs offensantes qui ont accueilli les deux derniers choix, et les injurieuses protestations qu’ont fait entendre les amis des candidats désappointés. Ce n’est pas que, tout en reconnaissant la légitimité des titres des élus, nous n’eussions eu, nous aussi, quelques observations à présenter, non contre la bonté des choix, mais sur leur opportunité. Sans doute la langue nette, claire, précise, sobrement colorée, qu’emploient les sciences naturelles, a de droit sa place marquée au sein de l’Académie française, et cette place, nul mieux que M. Flourens n’était digne de l’occuper. Sans doute aussi il y a, dans certains cas, avantage et convenance à introduire dans cette assemblée, qui doit réunir tous les genres de supériorités, quelques modèles du langage de la diplomatie, et, si l’on veut même, de la conversation de la société la plus polie ; mais ces besoins-là, qui sont très réels, étaient-ils les plus urgens ? Il est permis d’en douter. Après quatre grandes années passées sans aucune élection, ce que l’opinion publique attendait, ce qu’elle attend et demande encore aujourd’hui à l’Académie française, ce sont, il faut le dire bien haut, des choix, beaucoup de choix, exclusivement littéraires. Personne assurément n’a le droit ni la prétention de tracer une ligne de conduite à l’illustre compagnie ; mais il est bien permis de ne pas oublier qu’elle est fondée pour la gloire et l’encouragement des lettres. L’érudition, les sciences exactes et philosophiques sont encouragées et représentées par d’autres classes de l’institut. À l’Académie française seule il appartient d’encourager et de rémunérer les œuvres qui relèvent de la plus belle et de la plus rare de nos facultés, de l’imagination.

La question du recrutement de l’Académie française amène, comme