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reuses. Mais ce n’est plus cette démonstration scientifique, cette affirmation nette, cette rigueur de déduction qu’il apportait dans la discussion de l’immortalité de l’ame. Ce sont, dit-il, des espérances avec lesquelles il est bon de s’enchanter soi-même, au moment de s’endormir pour jamais.

Ces mythes reviennent souvent dans Platon, et presque toujours quand il est question de cette autre vie, soit qu’on la considère avant la naissance ou après la mort. C’est ainsi qu’il raconte dans le Phèdre les évolutions des ames à la suite des dieux de l’Olympe, et qu’il décrit dans la République le moment solennel où les ames, après dix mille ans d’expiation ou de récompense, sont appelées à revivre et à choisir elles-mêmes le corps qu’elles veulent animer. Cette doctrine de la métempsycose, qui se retrouve aussi dans le Timée, ces mythes du Phédon, du Phèdre et de la République, et tant d’autres qui se rencontrent dans Platon, celui du Politique, celui du Gorgias, ont-ils une valeur philosophique ? Quelle est au moins leur valeur historique ? Platon les a-t-il pris au pied de la lettre, et a-t-il payé ce tribut aux superstitions de son temps ? ou bien n’y faut-il voir que de la poésie, un de ces ornemens qu’il prodigue peut-être un peu trop, suivant la remarque de Longin ? L’opinion de M. Cousin sur cette question délicate est digne d’un esprit sage et éclairé comme le sien. Non, Platon ne croit pas à la métempsycose ; le récit d’Er l’Arménien est pour lui ce qu’il est pour nous, une fable pleine de charme et rien de plus. Jupiter, Apollon, Vénus, et les autres dieux dont il est question dans ces mythes, et dont il se joue si évidemment dans le Timée, Minos et Rhadamante, qui jugent les ames après la vie, sont pour lui de pures fictions indignes des philosophes et bonnes peut-être tout au plus pour entretenir parmi le peuple quelques traditions religieuses. Et cependant ce n’est pas de la poésie toute pure, ce n’est pas un simple ornement du discours ; il y a de la philosophie sous cette enveloppe et quelquefois la philosophie la plus haute. Mais ce sage et raisonnable esprit, quand il n’a que des doutes et des espérances, quitte le ton de l’enseignement philosophique et se met à conter ces beaux récits, le sourire sur les lèvres, décrivant dans tous ses détails une vie dont il ne sait rien, mais dont il espère beaucoup, dont il espère au moins quelque chose qui ressemble à ses rêves. C’est bien alors qu’il pourrait dire comme dans le Timée : « Si Dieu déclarait par un oracle que tout cela est véritable, alors seulement nous pourrions l’affirmer. Jusque-là, il faut nous en tenir à la vraisemblance… Si quelqu’un découvre une explication meilleure