lui donne le nom de sophronistère. Il donne aux prisonniers, pour professeurs de morale, les premiers magistrats de la république, et il veut que chaque soir, pendant la durée de leur peine, les magistrats les visitent, les exhortent et les consolent. L’argument de M. Cousin sur les Lois est un véritable ouvrage, et un ouvrage d’une haute portée ; il faut en rapprocher celui du Gorgias, où se trouve exposée la théorie de l’expiation ; on aura ainsi un résumé éloquent et complet de la doctrine politique de Platon.
Mais tracer le plan d’une république, ou régler conformément à la justice les actions de l’homme ici-bas, ce n’est pas avoir fixé notre destinée. Attachée un moment à la fortune du corps, notre destinée ne finit pas avec la sienne ; nous portons au dedans de nous un principe d’immortalité ; l’esprit, qui connaît les idées éternelles et qui a vécu heureux avant cette triste vie, l’esprit doit vivre encore, quand le cadavre qui l’enveloppait est déjà en dissolution et qu’il n’en reste plus rien. Avec quelle force, pour ces temps reculés, Platon a-t-il démontré cette grande et consolante vérité. Caton lisait le Phédon au moment de se donner la mort. Socrate y proscrit pourtant le suicide ; mais la résolution du Romain était prise : il n’aurait reculé que devant le néant ; il lut le Phédon, et il se tua. C’est une sainte et noble pensée que d’avoir ainsi décrit les derniers momens de Socrate. Condamné à boire la ciguë par ce même peuple d’Athènes qui devait, quelques jours après sa mort, lapider ses accusateurs, Socrate, en attendant le poison, est entouré dans son cachot de ses amis, de ses disciples ; et là, près de subir à soixante-dix ans une mort violente et injuste, il établit l’immortalité de l’ame avec une tranquillité d’esprit aussi grande que s’il était encore sur la place d’Athènes, au portique du Roi, conversant avec Alcibiade. Un de nos grands poètes a consacré de beaux vers à cette mort héroïque ; mais qu’est-ce que l’imagination la plus brillante, comparée à une inspiration partie du cœur ? Platon pleurait encore Socrate quand il a écrit le Phédon, et ce Socrate si paisible, si plein de douceur, qui pardonne à ses ennemis, qui ne songe à son dernier moment qu’à la philosophie, son plus cher amour, et au bonheur des amis qu’il va laisser, ce Socrate est bien celui qu’il a connu, qu’il a aimé ; c’est son maître, c’est son ami, c’est pour lui plus qu’un père. Au moment fatal, et quand Socrate tient déjà d’une main ferme la ciguë toute broyée, ses amis lui demandent encore ce que devient notre ame après la dissolution du corps. Alors Socrate commence un récit emprunté à la fable, un mythe où se trouve décrit, d’après les croyances populaires, l’état des ames bienheu-