Page:Revue des Deux Mondes - 1840 - tome 24.djvu/823

Cette page a été validée par deux contributeurs.
819
ŒUVRES COMPLÈTES DE PLATON.

couleurs, a consacré quelques pages à l’explication très plausible que l’on trouve dans le Timée des phénomènes de la vision. M. Duvernoy serait étonné peut-être de retrouver dans la physiologie de Platon ces animalcules dont il nous a fait l’histoire l’année dernière au Collége de France. Au reste, il fallait avoir examiné l’homme de près, et bien connaître ses penchans, pour créer le système d’éducation des Lois et de la République, et pour fonder dans les Lois tant d’institutions véritablement sages, dont un grand nombre ont passé dans nos mœurs, et dont quelques autres sont encore à regretter.

Je sais bien que l’on a accusé Platon d’avoir méconnu la nature humaine, précisément à cause de la République. N’est-ce pas la méconnaître en effet que de ne tenir aucun compte de l’intérêt personnel et de l’amour de soi, et de croire qu’un état pourra subsister, dans lequel aucun citoyen n’aura de possessions ni de famille ? N’est-ce pas la méconnaître que de supprimer d’un seul coup les affections les plus tendres et les plus légitimes, le mariage, la paternité, et de croire que tout ce qu’il y a d’amour dans le cœur de l’homme, privé de son objet naturel, va se reporter sur l’état, qui deviendra ainsi l’unique objet de toutes les affections ? Qu’est-ce que cette opinion de Platon, qu’on aimera tous les enfans du même âge, par la pensée qu’on est le père de quelqu’un d’entre eux que l’on ne connaît pas ? C’est là, dit Aristote, jeter un peu de miel dans la mer. Et cette prétendue conformité des deux sexes ; élevés d’après les mêmes règles, astreints aux mêmes devoirs ? Conformité d’autant plus choquante qu’elle existe pour les charges et non pour les prérogatives. Platon se montre partout d’une sévérité extrême pour les femmes ; non-seulement il les tient en tutelle pour les mêmes motifs qui ont déterminé la plupart des législateurs, et que Cicéron exprime avec si peu de courtoisie, propter imbecillitatem sexus et judicii, mais il se plaint sans cesse de leurs défauts, de leur opiniâtreté, de leur mollesse, de leur amour pour la vie cachée ; il dit expressément dans les Lois que ce sexe a moins de dispositions que le nôtre pour la vertu ; il est à peine moins sévère que saint Augustin, qui déclare qu’elles ne sont pas l’image de Dieu : Propter peccatum originale, in ecclesia, non imago Dei, et peccandi materies, femina velari et tacere debet. Que devait penser de la République de Platon Agrippa de Nettesheim, qui a composé un livre : De l’Excellence et de la Supériorité du sexe féminin ? J.-J. Rousseau caractérise à merveille la position de Platon pour tout ce qui concerne les femmes. « Platon, dit-il, donne aux femmes, dans sa République, les mêmes exercices qu’aux hommes ;