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ŒUVRES COMPLÈTES DE PLATON.

et amour. » Une publication non moins curieuse est celle qui parut en 1582 sous ce titre : Le Criton de Platon, ou de ce qu’on doit faire ; translaté du grec en français, par Jean Le Masle, Angevin, avec la vie de Platon, mise en vers français par ledit Le Masle. Mais de tous ces contemporains de Montaigne et d’Amyot, le plus célèbre et le plus habile est Loys Leroy, dit Régius qui mourut en 1581. Nous avons de lui le Phédon, le Banquet, dédiés à la reine-dauphine, c’est-à-dire à Marie Stuart, le Timée, qu’il présenta au célèbre cardinal de Lorraine, et cette traduction de ce grand ouvrage était jusqu’ici la seule que nous possédions ; enfin la République de Platon, « œuvre non encore mise en français, dit l’éditeur, et fort nécessaire et profitable tant aux rois, gouverneurs et magistrats, qu’à toutes autres sortes d’états et qualités de personnes. » M. Cousin, séduit, je pense, par cette langue naïve et attrayante du XVIe siècle, accorde de grands éloges aux traductions de Régius : il faut constater au moins qu’elles sont fort inexactes, et que le commentaire dont il a, suivant son expression, enrichi le texte du Timée, n’est qu’une analyse médiocre de Chalcidius, intercalée sans façon dans le texte même, ce qui produit un mélange assez bizarre.

De tous les dialogues de Platon, le Banquet est un de ceux qu’on a le plus souvent traduit en français. Je n’ai rien à dire de la traduction de l’abbé Geoffroi, mais il en existe une que le nom de ses auteurs a rendue célèbre : celle qui a été faite par la sœur de Mme de Montespan et par Racine. Le choix du Banquet est étrange pour une abbesse de Fontevrault ; mais la virginité de l’ame et du corps a ses dons, et sans doute Mme de Fontevrault n’a vu dans tout cela que l’amour de Dieu. Elle était de cette famille des Rochechouart, dont les femmes, au dire de Saint-Simon, avaient tant d’esprit et de distinction, avec un tour si particulier dans le langage et dans les manières. Sa traduction faite, elle la donna à Racine pour la revoir : Racine aima mieux la recommencer que de la corriger ; mais cette corvée, comme il l’appelle, ne tarda pas à lasser sa patience, et il s’arrêta au discours du médecin. Il écrivait à Boileau : « Il faut convenir que le style de Mme de Fontevrault est admirable ; il a une douceur que nous autres hommes ne pouvons atteindre ; et si j’avais continué à refondre son ouvrage, vraisemblablement je l’aurais gâté. Elle a traduit, ajoute-t-il, le discours d’Alcibiade, par où finit le Banquet de Platon ; elle l’a rectifié, je l’avoue, par un choix d’expressions fines et délicates qui sauvent en partie la grossièreté des idées. Mais avec tout cela, je crois que le mieux est de le supprimer ; outre qu’il est