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rence ! la ville de la fête éternelle. C’est la cité neutre où viennent s’ébattre toutes les intelligences vagabondes de l’Europe. Florence, c’est le musée ouvert à tous. Une fois dans ces nobles murs, vous êtes chez vous. Rien ne vous gêne, rien ne vous presse, pourquoi partir ? Où donc aller pour être mieux ? Où trouverez-vous plus d’esprit, plus de beauté, plus d’effusion, plus de bienveillance ? Allons, battons des mains, et s’il se peut, ô mon cœur, contenez-vous. Patience, allons un peu, nous reconnaîtrons toutes choses, une à une. Certes, l’Arno arrose toujours les mêmes bords ; certes, le Michel-Ange et le Benvenuto vont encore une fois venir au-devant de nous ; certes, rien n’est changé ni dans le vieux palais, ni au palais Pitti, dignes demeures de ces grands marbres et de ces nobles toiles, l’honneur du génie des hommes dans tous les siècles. Hâtons-nous lentement, nous retrouverons en entier notre admiration et notre enthousiasme et notre bonheur d’il y a deux ans déjà. Et en effet, j’ai retrouvé Florence tout entière, peut-être même plus belle et plus sereine ; car à coup sûr les arbres des Cascines sont plus touffus, les bronzes des places publiques sont plus durs, les marbres des musées ont gagné peut-être une vie nouvelle. Non certes, jamais le Michel-Ange n’a été plus grand, jamais le Titien n’a jeté un éclat plus vif, jamais la jeune femme adorée d’André del Sarto ne m’avait paru plus charmante ; oui, vous voilà, toujours enveloppée dans votre beauté éternelle, vous qui êtes la Vénus pudique ! Voilà l’Apollon debout encore sur son piédestal ; à Paris, on le disait brisé par le Charles-Quint ; le Charles-Quint et l’Apollon sont encore les deux gloires de la Tribune ; la Vénus du Titien est restée transparente et calme comme au premier jour ; la Vierge à la chaise et le Léon X sont encore aujourd’hui les plus excellens représentans du génie de Raphaël ; à sa place ordinaire, le Salvator Rosa éclate et gronde. Les trois parques filent encore les destinées des mortels ; cette fois, plus de soie et plus d’or dans ces fils sévères, le chanvre même de cette trame tissée par Michel-Ange est rude à la vue, rude au toucher. Sur les places publiques s’élèvent aussi haut que jamais les chevaux et les héros de Jean de Bologne. Savez-vous qu’ils ont découvert là-bas un nouveau portrait de Dante leur fondateur ? Il était déjà bien beau comme le peintre l’avait rêvé. Comme aussi le cloître tant soit peu profane de Santa-Maria-Novella se parfume encore des plus suaves et des plus coquettes odeurs ! Honneur et gloire à Florence ! Elle est immuable, elle est immobile, elle se repose dans sa paix et dans son bonheur de chaque jour ; elle a tant payé son tribut aux révolutions passées, qu’elle se sent à l’abri des