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services. Il a fait éclore ce nom-là dans la langue vulgaire ; il l’a rendu aussi populaire que le nom des barons les plus connus ; M. de la Palice et M. de Marlborough seront chantés jusqu’à la fin du monde et quand il ne sera plus question de la question d’Orient. Or, quelle est la maison souveraine dont on puisse en dire autant aujourd’hui ?

Nous visitons le château de la Palice, tout en fredonnant la chanson ; en sa qualité de château, c’est une maison qui s’en va croulante ; la cour d’honneur est dépavée, l’herbe est partout ; les vaches du château ont remplacé les varlets et les trouvères ; la servante est la seule dame du lieu ; les enfans jouent sans se douter des grandeurs qu’ils foulent à leurs pieds ; on traverse la cuisine pour descendre dans le village. — De là nous allons à Roanne ; mais cependant quelles belles montagnes ! quel grand ciel ! Marchons moins vite. L’industrie n’est pas là encore. Marchons moins vite ; la houille n’a pas paru dans ces campagnes, elle n’a pas jeté dans cette verdure sa poussière et son souffle empesté. Marchons moins vite, car la vie des champs s’arrêtera bientôt tout au bas de ces rocs cultivés, car avant peu vous allez trouver le fer, la houille, les rails-ways, les métiers, tout l’attirail des forges et des fourneaux. — Un jeune homme de quinze à seize ans gravissait péniblement le sentier ; il nous dit bonjour dans le patois du pays. — Veux-tu une place — Il dit oui ; il monte ; il arrive avec nous à Roanne, sa ville natale. Le pauvre enfant avait entrepris son tour de France, il y avait six mois à peine, il avait quitté le toit paternel, tout rempli d’espérances et de vastes pensées. Mais, hélas ! il avait eu la fièvre en chemin, l’ouvrage lui avait manqué, et, sans aller plus loin que deux cents lieues, il revenait en poste pour conter toutes ses déceptions à sa mère. On disait, le voyant passer dans la rue : — C’est lui, c’est Pierre, c’est notre ami le forgeron ! — Les jolies filles lui envoyaient de gros baisers ; seulement on ne s’expliquait guère comment, parti à pied, il revenait si vite en berline ; lui, cependant, il saluait à droite et à gauche avec une bonne grace infinie, et comme il a été embrassé par sa mère ! La bonne et digne femme, elle n’avait pas vu la chaise de poste ; elle n’avait vu que son enfant.

À Feurs (Forum Romanorum, pardon, madame de tout ce latin, mais on est si pédant lorsque l’on est en belle humeur), à Feurs, je vais saluer sur son piédestal la statue du colonel Combes, notre brave compatriote. Il est mort comme un héros à l’instant où lui aussi il allait revenir à sa mère, mais tout chargé de gloire et d’honneur. Heureusement un pareil homme est utile, même après sa mort.