Le règne du paradoxe est un signe certain de décadence littéraire : il annonce que les esprits, fatigués et flétris, ne prétendent plus à cette originalité qui est le fruit tardif des études consciencieuses, et se contentent de spéculer sur la paresse et la curiosité puérile des lecteurs. On ne se doute guère du nombre d’idées fausses en tous genres, de systèmes absurdes ou monstrueux, qui sont mis journellement en circulation. Les discuter serait une faute de tactique ; mieux vaut les laisser mourir, comme des bruits sans échos. Mais la protestation devient un devoir, lorsqu’un paradoxe est lancé dans le monde par un homme qui a de l’esprit et du savoir assez pour se faire écouter. À cet égard, M. Granier de Cassagnac est un des écrivains les plus dangereux de notre temps. Les défauts de sa manière, et ils sont nombreux, sont tous effacés par un genre de mérite qu’il possède à un degré remarquable, celui de tenir son lecteur constamment en éveil. Quand il ne commanderait pas l’attention par la grandeur des problèmes qu’il soulève et par le piquant des solutions qu’il hasarde, ce serait encore un spectacle assez curieux que de le voir glisser si lestement entre les contradictions, trancher un débat scientifique par une saillie, ou noyer une fantaisie dans un débordement de notes grecques et latines. Il rappelle un peu ces gens qu’une trop grande impatience
- ↑ Un vol., in-8o, chez Delloye, place de la Bourse, 13.