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REVUE DES DEUX MONDES.

Devant le corps du trépassé,
Afin qu’elle pût se défendre
En sa présence, et faire entendre
Comment le fait s’était passé.
Alors, dans sa triste mémoire
Rappelant son fidèle amour,
Du premier jusqu’au dernier jour,
Simone conta son histoire,
Comme je l’ai dite à peu près,
Bien mieux, car les pleurs seuls sont vrais ;
Mais personne n’y voulut croire.
Quand elle en fut à raconter
Par quelle disgrace inouie
Pascal avait perdu la vie,
Voyant tout le monde en douter,
Et le juge même sourire,
Pour mieux prouver son simple dire,
Elle s’en vint vers l’arbrisseau
Sous lequel le froid jouvenceau
Dormait, pâle et méconnaissable ;
Puis, cueillant une fleur semblable
À cette fleur que son ami
Sur ses lèvres avait placée,
Sa pauvre ame eut une pensée,
Qui fut de faire comme lui.
Fût-ce douleur, crainte, ignorance ?
Qu’importe ? Pascal l’attendait,
Ouvrant ses bras, qu’il lui tendait,
Dans un asile où l’espérance
N’a plus à craindre le malheur ;
Sitôt qu’elle eût touché la fleur,
Elle mourut. Ames heureuses,
À qui Dieu fit cette faveur
De partir encore amoureuses ;
De vous rejoindre sur le seuil,
L’un joyeux, l’autre à peine en deuil ;
Et de finir votre misère
En vous embrassant sur la terre,
Pour aller aussitôt après
 Là-haut, vous aimer à jamais !