Page:Revue des Deux Mondes - 1840 - tome 24.djvu/714

Cette page a été validée par deux contributeurs.
710
REVUE DES DEUX MONDES.

Croyant qu’il s’était endormi
Dans quelque douleur passagère,
Et le serra, tout défailli,
Non plus en amant, mais en frère ;
Qu’eût-elle fait ? les pauvres gens,
Habitués à la souffrance,
Gardent jusqu’aux derniers instans
Leur unique bien, l’espérance ;
Mais la Mort vient, qui le leur prend.
Déjà le spectre aux mains avides
Étalait ses traces livides
Sur l’homme presque encor vivant ;
Les beaux yeux, les lèvres chéries
Se couvraient d’un masque de sang
Marqué du fouet des Furies ;
Bientôt ce corps inanimé,
Si beau naguère et tant aimé,
Fut un tel objet d’épouvante,
Que le regard de son amante
Avec horreur s’en détourna.

Aux cris que Simone jeta,
Strambe accourut avec Lagine ;
Et, par malheur, vinrent aussi
Les gens d’une maison voisine ;
Quand le peuple s’assemble ainsi,
C’est toujours sur quelque ruine.
Ici surtout ce fut le cas.
Ceux qui firent les premiers pas
Trouvèrent Simone étendue
Auprès du corps de son amant.
En sorte qu’on crut un moment
Que, par une cause inconnue,
Ils avaient expiré tous deux.
Plût au ciel ! Telle mort pour eux
Eût été douce et bien venue.
Mais Simone rouvrit les yeux ;
« Malheureuse, dit le boiteux,
Voyant son compagnon sans vie,
C’est toi qui l’as assassiné. »