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REVUE DES DEUX MONDES.

Avant de se mettre en campagne,
Il faut savoir qu’elle avait pris,
Selon l’usage du pays,
Une voisine pour compagne.
Ce n’est pas là comme à Paris ;
L’amour ne va pas sans amis.
Bien est-il que cette voisine
Causa plus de mal que de bien.
Belle ou laide, je n’en sais rien,
Boccace la nomme Lagine.
Le jeune homme, de son côté,
Vint pareillement escorté
D’un voisin, surnommé le Strambe,
Ce qui signifie en toscan
Que, sans boiter précisément,
Il louchait un peu d’une jambe.
Mais n’importe. Entrés au jardin,
Nos couples se prirent la main,
Le voisin avec la voisine,
Et chacun suivit son chemin.
Pendant que le Strambe et Lagine
Au soleil allaient faire un tour,
Cherchant à coudre un brin d’amour,
Au fond des bois, sous la ramée,
Pascal, menant sa bien-aimée,
Trouva bientôt ce qu’il cherchait,
Une touffe d’herbe entassée.
Et le bonheur qui l’attendait.
Comment cette heure fut passée,
Le dira qui sait ce que c’est ;
Deux bras amis, blancs comme lait,
Un rideau vert, un lit de mousse,
La vie, hélas ! c’est ce qui fait
Qu’elle est si cruelle et si douce.
Le hasard voulut que ce lieu
Fût au penchant d’une prairie.
Çà et là, comme il plaît à Dieu,
L’herbe courait fraîche et fleurie ;
Et, comme un peu de causerie
Vient toujours après le plaisir,