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UNE VISITE AU ROI GUILLAUME.

la majorité de trente-neuf voix contre douze. Quelques mois après, la chambre allait plus loin, elle rejetait le budget à la majorité de cinquante voix contre une.

Une telle scission entre le gouvernement et les représentans du pays exigeait un remède énergique ; la chambre demandait une réforme dans la loi fondamentale. Les ministres crurent la satisfaire en lui proposant des modifications secondaires, mais elle repoussa énergiquement cette demi-mesure, et soumit à un long et minutieux examen toute la constitution de 1815. Une nouvelle loi fondamentale vient d’être promulguée en Hollande ; elle établit les limites actuelles du royaume ; elle fixe à 1,500,000 florins la liste civile du roi, plus 50,000 florins pour l’entretien de ses palais ; à 100,000 florins la dotation du prince royal, et à 200,000 florins quand il est marié. Elle maintient, comme par le passé, deux chambres : la première, composée de trente membres nommés à vie par le roi ; la seconde, de cinquante-huit membres élus par les états provinciaux ; mais elle prescrit la responsabilité des ministres, qui jusque-là n’avait jamais été prononcée. Le roi n’a pas voulu se soumettre à cette nouvelle disposition, qui changeait complètement la nature de son pouvoir, de son premier contrat avec le peuple, et il a abdiqué.

Il a abdiqué après vingt-sept années d’un règne difficile, orageux, et ceux mêmes qui ont le plus blâmé la marche de son gouvernement sont forcés de rendre justice à ses grandes qualités, et de reconnaître qu’il a fait dans le cours de son administration beaucoup de bien. Doué d’une sagacité d’esprit remarquable, d’une patience à toute épreuve, tous les jours levé dès cinq heures du matin, et travaillant sans relâche, il voyait tout par lui-même, étudiait sérieusement chaque affaire, et prêtait l’oreille aux réclamations de ses derniers sujets. Pendant vingt ans, pas une entreprise importante ne s’est faite dans son royaume sans qu’il y prît une part active. L’immense fortune qu’il possède aujourd’hui, il l’a acquise par des spéculations commerciales dont il subissait toutes les chances comme un simple particulier. Il a plus que personne secondé le mouvement industriel de la Belgique. Il a fait exécuter en Hollande les plus belles routes, les plus utiles canaux, notamment ce magnifique canal du Nord, qui rejoint la mer du Nord au port d’Amsterdam. Enfin il a sauvé les colonies hollandaises de la ruine totale dont elles étaient menacées. Naguère encore, elles étaient à charge à la mère-patrie, et l’on parlait même de les abandonner. Aujourd’hui, grace au sys-