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dans le but de former une opposition énergique contre la nouvelle taxe. Le gouvernement, aux prises avec eux, eut recours d’abord à l’expropriation, et cette mesure excita dans la ville un soulèvement que l’autorité ne parvint à calmer qu’en employant les promesses et les moyens de conciliation. Plus tard, elle voulut remettre à exécution les ordonnances. Il s’agissait de vendre à l’encan des meubles enlevés à ceux qui avaient refusé de payer l’impôt. Pour prévenir les scènes de désordre que l’on redoutait, on avait entouré la salle d’enchères d’un formidable appareil de soldats et d’agens de police ; mais le peuple se jeta sur eux, les chassa à coups de pierres, et le soir, mit le feu aux baraques où les meubles saisis étaient renfermés La garde nationale, qui jouit en Hollande d’une grande considération, put seule réprimer cette émeute.

Quatre années se passèrent ainsi dans un état d’agitation sourde et d’incertitude pénible. À chaque session, le gouvernement demandait un nouvel emprunt, et la chambre répondait à cette demande par des plaidoyers contre le statu quo, et des vœux formels pour la conclusion de la paix. Le budget était voté pourtant, mais lentement, difficilement et non sans de vives attaques contre les ministres. Enfin, en 1837, on annonça que le roi avait donné son adhésion aux vingt-quatre articles. Cette nouvelle produisit dans le pays une joie unanime, et donna en un instant à la chambre une attitude toute nouvelle ; ceux de ses membres qui commençaient à s’éloigner du gouvernement, se rallièrent à lui avec enthousiasme, l’opposition déposa les armes, et le budget proposé par les ministres fut adopté à la majorité de trente-six voix contre quatre. L’armée resta cependant encore pendant plus d’une année sur le pied de guerre, et en 1839 le gouvernement effraya le pays en demandant tout à coup, pour couvrir ses déficits, un emprunt de 56 millions de florins[1]. Les explications qu’il donnait pour justifier cet emprunt, étaient loin d’être satisfaisantes ; on eût voulu avoir un compte exact de la situation du trésor, et il ne les présentait que par parcelles incomplètes. On découvrit que, pendant les dernières années, il avait dépensé, sans l’autorisation des chambres, près de 120 millions de florins, et l’on entrevoyait mal l’emploi de cette somme ; il est facile de comprendre l’impression que de tels calculs devaient produire parmi les députés. L’opposition attaqua sans ménagement les ministres, et le projet d’emprunt fut rejeté à

  1. Le florin de Hollande vaut environ 2 fr. 10 cent.