Page:Revue des Deux Mondes - 1840 - tome 24.djvu/699

Cette page a été validée par deux contributeurs.
695
UNE VISITE AU ROI GUILLAUME.

demandait la séparation. Amsterdam et Rotterdam se réjouissaient de n’avoir plus à supporter la concurrence d’Anvers, et si, par son isolement, la Hollande perdait le produit des fabriques belges, elle souriait à la perspective de relever ses anciennes fabriques, d’en fonder de nouvelles, et elle allait avoir à elle seule la jouissance de ses colonies. Puis, indépendamment de toute considération d’intérêt matériel, il y avait, de part et d’autre, entre les deux peuples, une sorte d’antipathie innée, un sentiment de méfiance, qui pendant les quinze dernières années n’avait fait que s’accroître, et qui rendait la rupture inévitable et irrémédiable. La Hollande accueillit donc avec joie le premier acte de la conférence de Londres, qui proclamait l’indépendance de la Belgique, et dès ce moment n’aspira qu’à terminer au plus vite les négociations diplomatiques, et à goûter les fruits d’une paix définitive. Le gouvernement semblait animé des mêmes intentions, et le peuple et le roi étaient alors en apparence parfaitement d’accord. Mais quand les conférences de Londres furent interrompues, quand Guillaume Ier établit son long et opiniâtre statu quo, quand au lieu de dégrever le budget, il fallut le surcharger, et entretenir, dans un état de paix apparent, des troupes nombreuses sur le pied de guerre, la Hollande, qui avait pris les armes avec enthousiasme, les porta avec ennui, et la seconde chambre, qui jusque-là avait sanctionné et secondé toutes les mesures des ministres, commença à entrer dans une opposition, qui d’année en année devait prendre plus de consistance.

Dès l’année 1833, cette chambre, au lieu d’encourager, comme par le passé, le gouvernement dans un système de résistance, formule dans son adresse des représentations assez énergiques sur les dangers du statu quo. Les membres de l’opposition blâment sévèrement la marche suivie dans les négociations, et les partisans les plus déclarés du ministère demandent avec instance des économies et un prompt traité de paix. Cette fois cependant le budget fut accepté à la majorité de 20 voix, mais la chambre rejeta la demande d’un emprunt destiné à couvrir le déficit de l’armée. Dans la session suivante, l’opposition reparut plus nombreuse et plus ferme, et le peuple, qui jusqu’alors avait gardé beaucoup de réserve, le peuple d’Amsterdam, si dévoué à la maison d’Orange, se signala tout à coup par de violentes manifestations. Parmi les impôts récemment établis pour subvenir à l’entretien des troupes, il en était un qui pesait surtout sur les propriétaires de maisons. Plusieurs d’entre eux se réunirent