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mens, et prévoyait la chute de Napoléon au milieu même de ses triomphes. La bataille de Leipzig l’arracha de sa retraite. Il sentit que le moment était venu de mettre ses plans à exécution, et s’en alla trouver les hommes avec lesquels, depuis près de vingt années, il s’entendait tacitement. Secondé par eux, il forma en peu de temps une conspiration pour chasser les Français de la Hollande et rappeler le descendant des anciens stathouders. Cette conspiration ne pouvait s’organiser qu’avec de grandes précautions et dans un profond mystère, car nous étions encore maîtres du pays et nos troupes occupaient les places fortes. Chacun des principaux conjurés choisit quatre hommes qui lui jurèrent obéissance absolue et discrétion ; chacun de ces quatre hommes en choisit ensuite quatre autres auxquels il fit prêter le même serment. Tous les membres de cette association avaient été élus l’un après l’autre à part, et ne connaissaient que le nom de leur chef. Le secret de la conjuration fut bien gardé, il n’en transpira rien dans le public.

Sur ces entrefaites, les Russes entrent dans la Frise et dans la province de Groningue. Le général Molitor, pour concentrer ses troupes, abandonne Amsterdam et se retire à Utrecht. À peine était-il parti, que le peuple en masse se soulève, chasse les principaux fonctionnaires français et met le feu aux bâtimens de la douane et des droits réunis. C’était là une manifestation d’opinion qui pouvait coûter cher à la populace, car Molitor n’était qu’à dix lieues d’Amsterdam, et le secours que la Hollande attendait des Russes était encore très incertain, et, en tout cas, assez éloigné. Les hommes qui préparaient une contre-révolution comprirent le danger auquel un moment d’effervescence venait de les exposer, et, pour le prévenir, ils organisèrent aussitôt la garde nationale, qui promit de réprimer toute apparence de désordre et s’interposa ainsi entre l’armée étrangère et le peuple de la capitale.

En même temps Hogendorp travaillait à rétablir l’ancienne forme de gouvernement, il s’adressa d’abord à ceux qui avaient été autrefois membres des états-généraux, et les pria de se constituer en corps administratif ; mais aucun d’eux n’osa se rendre à sa demande. Les circonstances devenaient de plus en plus graves. Les Français pouvaient d’un jour à l’autre recevoir des renforts, repousser les alliés, et rétablir leur autorité dans le pays. Hogendorp comprit qu’une grande décision était son seul moyen de salut. Il renonça à toute mesure de temporisation, et, le 21 novembre, il se proclama, lui et son ami Maasdam, chefs du gouvernement provisoire, en l’absence du prince