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REVUE DES DEUX MONDES.

Le passé est percé à jour ; nous connaissons de plus en plus tout ce qui, avant nous, a été dit et pensé dans les temples et les écoles ; nous savons la tradition. Mais n’y a-t-il rien au-delà ? Ce qui distingue l’esprit philosophique, c’est précisément la mobilité infatigable avec laquelle il s’engage à la découverte. Nous croyons avoir eu raison d’écrire quelque part : « La philosophie est le mouvement éternel de l’esprit humain, les religions en sont les haltes. » Aussi ce qu’on demande aux penseurs, ce n’est pas d’altérer les traditions, de les défigurer par des commentaires sans fondement, mais, tout en les respectant dans leur réalité historique, d’imprimer à l’esprit humain une impulsion qui permette de les dépasser. M. Leroux admire beaucoup Lessing, et il a raison. Cependant, que fait Lessing ? Dans quelques pages substantielles et fortes, il constate, sans la dénaturer, la tradition religieuse, et il en tire quelques inductions fécondes pour les progrès possibles de l’humanité. C’est la vraie méthode du penseur : d’un côté l’histoire traitée avec une intelligence loyale et sévère, de l’autre les idées spéculatives avec leurs conclusions et leurs découvertes. Cette sobriété et ce discernement dans les différentes applications de l’esprit humain produisent seuls les œuvres durables.


Lerminier.