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DE L’HUMANITÉ.

nie et l’imputation du crime. Enfin, comme la mort du Christ était un retour vers Dieu, elle fut nécessairement suivie de la résurrection et de l’ascension. C’est au contraire un des grands mérites de la philosophie de Hegel d’avoir donné du christianisme une explication métaphysique qui n’en dénaturât pas la réalité historique, et d’avoir dégagé du milieu des croyances et de l’histoire l’esprit et l’idée.

On dirait qu’en prodiguant les hypothèses aventureuses et les jugemens hasardés sur les hommes et sur les choses, M. Leroux n’a point songé qu’il trouverait des contradicteurs. Cependant notre siècle a l’esprit éminemment critique ; il examine, il retourne sous toutes leurs faces les opinions qu’on veut lui imposer. En France et en Allemagne, il y a nombre de gens qui savent l’histoire des croyances religieuses et des idées philosophiques, et qui sont en état de reconnaître les souvenirs, les emprunts et les non-sens historiques avec lesquels on cherche à produire l’illusion d’un système. Les temps sont durs pour les révélateurs. On rencontre à chaque pas des esprits chagrins, incrédules, qui ne craignent pas de déconcerter par d’importunes objections le dogmatisme qui rend ses oracles. Nous regrettons qu’un esprit aussi distingué que celui de M. Leroux ait abandonné la direction saine et féconde dans laquelle il travaillait il y a plusieurs années, pour prendre l’allure et le ton d’un fondateur de secte et d’école. Qu’on compare les morceaux qu’écrivait M. Leroux en 1833 et en 1834, entre autres le fragment intitulé : De la Loi de continuité qui unit le XVIIIe siècle au XVIIe, et les premiers articles qu’il a donnés à l’Encyclopédie nouvelle, avec son ouvrage de l’Humanité. Quelle différence ! Dans ses premières productions, M. Leroux doute, cherche, observe, expose, discute, et finit par déduire quelques idées dont la justesse et la fécondité frappent l’esprit. Aujourd’hui M. Leroux affirme, tranche, dogmatise ; il ne connaît plus le doute ; la plus légère indécision n’entre plus dans son esprit ; il a pris le ton d’un maître, d’un prophète. Cette transformation n’est pas heureuse. De nos jours, on vous écoute d’autant moins que vous annoncez davantage avoir tout découvert ; voilà déjà la prédication compromise. Que sera-ce si le petit nombre qui s’arrête pour l’entendre reconnaît que l’annonce est trompeuse, et que la forme d’une obscure et ambitieuse phraséologie ne renferme rien de nouveau ? Si M. Leroux veut se créer, nous ne disons pas une école, mais des lecteurs, il faut qu’il change de route, et qu’il revienne aux procédés de ses premiers travaux.