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DE L’HUMANITÉ.

Je prétends
Qu’Aristote n’a point d’autorité céans.

On se trompe : M. Leroux commente l’Évangile avec le passage que nous venons d’indiquer, et, après l’avoir transcrit, il conclut par ces mots : Je dis donc… Ainsi c’est Aristote qu’il nous faut croire sur le sens et la portée des paroles du Christ ! La confusion de toute idée et de toute notion a-t-elle jamais été poussée plus loin ?

Le sadducéen saint Mathieu, dont M. Leroux veut faire à la fois un athée et une sorte de terroriste, est précisément celui de tous les évangélistes qui parle le plus de la vie future. Mathieu met dans la bouche de Jésus jusqu’à sept paraboles concernant toutes le royaume des cieux. De ces sept paraboles, Luc n’en a que trois, comme le remarque le docteur Strauss. On n’a jamais indiqué la vie future en termes plus positifs que ne le fait le premier évangéliste. Que pense Leroux de ce passage : « Je vous déclare que plusieurs viendront d’Orient et d’Occident, et auront place dans le royaume des cieux avec Abraham, Isaac et Jacob[1] ? » Et cet autre verset : « Celui qui conserve sa vie, la perdra, et celui qui aura perdu sa vie pour l’amour de moi, la retrouvera[2]… Quiconque aura donné seulement à boire un verre d’eau froide à l’un de ces plus petits, comme étant de mes disciples, je vous dis en vérité qu’il ne perdra point sa récompense[3]… Prenez bien garde de ne mépriser aucun de ces petits, je vous déclare que dans le ciel leurs anges voient sans cesse la face de mon père, qui est dans les cieux[4]. » Ces anges, dont parle l’évangéliste, et dont il est souvent question dans d’autres endroits du Nouveau-Testament, contrarient un peu M. Leroux ; cependant il reprend courage, et pense qu’il est possible de s’expliquer ces taches dans l’Évangile. Il les attribue aux superstitions orientales, à l’ignorance des évangélistes, à la mauvaise physique du temps, au degré inévitable d’inconséquence qui est le lot des plus grands hommes. Enfin les anges sont duement déclarés par M. Leroux n’être que de simples figures, ou symboles d’une idée métaphysique. En effet, il faut bien les réduire à de pures abstractions, puisqu’en supprimant le paradis on ne sait plus où les mettre.

Le christianisme a pour base l’opposition entre l’existence ter-

  1. S. Mathieu, chap. VIII, vers. 11.
  2. Ibid. id., vers. 39.
  3. Ibid., id., vers. 42.
  4. Ibid., chap. XVIII, vers. 10.