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DE L’HUMANITÉ
PAR M. P. LEROUX.

Il est un moment pour l’écrivain où, après avoir traversé plusieurs phases de préparation et de travail, il se croit en mesure de donner une complète expression de lui-même. Les tentatives qu’il a pu faire avant cet instant décisif n’ont été qu’une manière d’interroger ses forces, de les exercer, et d’amener à son terme l’originalité qui doit assurer sa gloire. Beaucoup d’esprits qui dans l’histoire de la science et des lettres ont laissé une trace profonde et neuve, n’ont pas dédaigné ces patientes initiations qui attendent du temps leur fécondité. Spinosa commence sa carrière philosophique par se pénétrer tout-à-fait des principes de Descartes. Il en rédige une démonstration géométrique, mais en la publiant il fait savoir au lecteur que parmi les idées dont il trace l’exposition il en est beaucoup qui lui paraissent erronées[1]. Tant il était difficile au penseur d’Amsterdam d’abdiquer tout-à-fait son indépendance, alors même que pour un temps il consentait à l’assujettir ! C’est de cette forte discipline de l’école cartésienne que Spinosa a pu passer au libre développement

  1. Voyez la préface mise par Louis Meyer au traité qui a pour titre : R. Descartes principiorum philosophiæ pars I et II more geometrico demonstratæ.