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nérables de l’empire, et les révoltes continuelles des tribus voisines de Rabat et de Salé, qui inquiètent souvent l’administration et la tiennent en échec. Aujourd’hui, quand le sultan est à Fez, la notification la plus pressée ne peut recevoir de réponse avant quinze jours ; s’il se trouve à Maroc, quarante jours au moins sont nécessaires.

Abaissement volontaire des nations européennes, toujours prêtes à satisfaire la rapacité mauresque, même sans en tirer aucun avantage, et qui se soumettent à être rançonnées sans en tirer bénéfice ; de la part des Anglais, habile et prévoyante souplesse, sacrifiant la dignité nationale aux intérêts du commerce ; de la part des sultans, adroite et âpre exploitation d’une situation favorable et unique ; tel est le résumé des relations diplomatiques que nous avons esquissées. Examinons le changement ostensible ou secret que la prise d’Alger et son occupation ont dû entraîner ou peuvent entraîner un jour.

§ IVDU ROYAUME DE MAROC RELATIVEMENT À LA COLONIE D’ALGER, ET DE LA SITUATION D’ABD-EL-KADER.

La régence d’Alger et le Maroc appartiennent à des sectes différentes. Le Coran n’admet qu’un vrai monarque chef de l’église. Le sultan de Maroc est donc, aux yeux de ses prosélytes, descendant unique et successeur légitime du prophète. La communauté d’origine n’est pas pour les musulmans, comme on pourrait le croire, un principe énergique de fraternité et de sympathie. Les Marocains détestent les Turcs et méprisent les Algériens.

Ils ont donc été médiocrement émus du malheur subi par leurs antagonistes religieux, les Arabes de l’Algérie. Voisins turbulens, les deys d’Alger et de Tittery avaient souvent ou entraîné dans leurs querelles les provinces limitrophes ou pris une part dangereuse aux démêlés des royaumes de Fez et du Maroc. Les corsaires d’Alger, plus formidables que leurs voisins, s’étaient fait payer plus cher leurs primes européennes, et la jalousie du sultan ne leur pardonnait pas cet avantage. Si, comme les Anglais en répandent le bruit, la colonie française venait à quitter Alger, le sultan doit espérer mettre cet évènement à profit pour son église, son empire et son territoire. Aussi, loin de maudire la prise d’Alger, la cour de Maroc s’en réjouissait-elle en secret, lorsque la France déjoua son espoir en déclarant qu’elle garderait sa conquête.

Alors se présenta, aux yeux des populations arabes, l’homme que