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LE MAROC ET LA QUESTION D’ALGER.

fisance des procédés agricoles rendent terrible dans ces contrées. Le commerce des céréales est à peu près le seul que fasse dans ce moment l’Espagne avec le Maroc, à moins qu’on ne mentionne une petite quantité de soieries de Barcelone et de galons de Séville importés, quelques cuirs de bœuf et quelques écorces de chêne exportés.

Les Anglais ont abandonné Tanger. Si la position de Gibraltar est plus forte, elle n’est assurément ni plus avantageuse, ni plus économique. Gibraltar, comme Tanger, tire ses subsistances de Maroc. La principale ressource de Gibraltar a toujours été la contrebande. On porte à quarante mille hommes le nombre de ceux qui vivent de cette industrie, et la ville de Gibraltar non-seulement encourage et alimente la contrebande, mais lui accorde la protection ouverte de sa forteresse et de ses navires. Il y a six mois, des contrebandiers pris en flagrant délit, traqués par les gardes-côtes de la reine, sont venus se placer à l’abri du canon anglais et narguer leurs adversaires. La chevaleresque Espagne subit l’affront, baise la main qui la frappe, et crie : Mort aux Français !

L’Angleterre se ménage toutefois des ressources et des relations dans le Maroc. Elle a passé avec le sultan un traité qui lui accorde l’exportation annuelle de deux à trois mille bœufs, moyennant un droit inférieur au droit ordinaire. Elle tire de Tanger la volaille, les œufs, les légumes, le blé et l’orge que consomme Gibraltar. Elle y trouverait d’excellente farine, si les fournitures de Gênes et de Marseille étaient suspendues. La proximité de Tanger lui est utile non-seulement pour l’approvisionnement de Gibraltar, mais par l’immense avantage que le commerce anglais a su en retirer. L’agent marocain qui habite Gibraltar favorise les transactions commerciales de l’Angleterre ; sa garantie formelle ou implicite autorise les Anglais à donner du crédit aux Maures ; déterminés par ce motif, une foule de petits trafiquans se portent en masse et exclusivement sur Gibraltar. On calculerait malaisément la quantité de marchandises anglaises qui passent le détroit chaque semaine.

Ces avantages, il est vrai, sont achetés par une déférence humiliante. En 1828, comme nous l’avons dit, deux navires anglais furent capturés dans le détroit. La mise en liberté de l’équipage et la restitution de la cargaison une fois obtenues, les Anglais exigèrent une indemnité. Le sultan s’y refusa, et quelques navires de guerre allèrent bloquer Tanger. Les autorités maures déclarèrent que, si un seul boulet tombait sur la ville, tous les Anglais qui se trouvaient dans le