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Le tarif des douanes éprouva d’importantes modifications, enfin les rapports de l’Amérique avec le Maroc restèrent suspendus.

Les États-Unis avaient aspiré à la possession d’une petite île située dans le détroit, à peu de distance du continent. En la réunissant à la terre ferme, on eût créé une rade sûre, et cette position fortifiée rivale de Tanger, de Ceuta et de Gibraltar, eût assuré aux États-Unis ce qu’ils cherchent depuis long-temps, un pied dans la Méditerranée. Le traité de 1786, le premier que la république ait contracté avec le sultan, venait d’expirer, lorsqu’on essaya d’y glisser cette proposition. L’agent américain, envoyé à Tanger, passa deux ou trois mois à attendre vainement l’honneur d’une audience. Le sultan, qui se repose assez volontiers sur son agent à Gibraltar, M. Bénoliel, ami de l’Angleterre, du soin de négocier et de débattre ses traités, laissa l’ambassadeur des États-Unis conférer avec cet agent marocain, sujet anglais. Dominé par l’influence du gouverneur de Gibraltar, M. Bénoliel fit à la demande américaine tout l’accueil que l’on peut croire. La tentative échoua, et le gouvernement des États-Unis, renouvelant son traité, mais sans la clause désirée, adressa au sultan un cadeau d’une grande valeur, qui fut reçu en 1839, à Mazagan. Ce présent consistait, dit-on, en un canon, des armes et des munitions de guerre ; singulier présent de la part d’un allié de la France.

L’Espagne, par sa proximité, les besoins de son commerce, son industrie agricole et les possessions qu’elle a conservées en Afrique, est la nation qui jusqu’à ce jour a eu le plus d’intérêts engagés au Maroc. Une paix active, une guerre active, telle est l’alternative dans laquelle se trouvent placés ces deux peuples. Il leur est impossible de s’éviter. Sur les deux côtes règne une analogie frappante de localités, de caractères, de mœurs et de besoins. Ce n’est pas seulement un souvenir, c’est une tendance. Le fait seul de la conservation des établissemens espagnols en Afrique prouve qu’ils sont peu menaçans et peu dangereux pour le Maroc ; séparés et protégés d’ailleurs par la montagne et les plaines du Rif, ils sont à l’abri des coups de main tentés par les sultans. Les traités de paix ont été toujours renouvelés peu de temps après avoir été rompus, et les deux parties y ont gagné. Pendant ces années de mauvaise récolte que l’état actuel de l’Espagne multiplie, l’Andalousie et les îles Canaries ont trouvé au Maroc une ressource sans laquelle leur situation eût été critique. Souvent aussi le Maroc, sans le prompt secours de l’Espagne, eût été dépeuplé par la famine, que l’imprévoyance des habitans et l’insuf-