Page:Revue des Deux Mondes - 1840 - tome 24.djvu/632

Cette page a été validée par deux contributeurs.
628
REVUE DES DEUX MONDES.

fut expulsé par le sultan, elle avait subi patiemment l’outrage ; il se souvenait que Napoléon, réunissant Venise à la France, avait détruit une alliance honteuse et coûteuse : le trésor de Maroc se trouvait frustré deux fois, par le cabinet de Vienne et par le gouvernement de Venise.

À la nouvelle de cette insulte, et sur le refus obstiné du sultan, qui ne voulait restituer ni l’équipage ni la cargaison, une escadre autrichienne, aux ordres du capitaine Bandiera, aujourd’hui amiral, fut envoyée sur les côtes de Maroc ; elle se traîna plusieurs mois de Tétouan à Tanger, de Tanger à Arzilla et à Larache. Le vaisseau commodore, en quittant Tétouan, reçut en plein dans l’arrière un boulet du rempart ; l’artilleur qui avait pointé la pièce fut le héros d’une ovation qui dure encore. À Larache, quelques embarcations tentèrent de pénétrer dans le Lyxos pour incendier la flotte marocaine qui y était à l’ancre ; la tentative échoua : les marins tombés au pouvoir des Bédouins furent massacrés, et leurs têtes, portées en triomphe à Fez et à Maroc, excitèrent chez les Barbaresques une irritation enthousiaste qui les possède encore. Devant Arzilla et devant Rabat, où le commandant voulait tenter un autre débarquement, l’aspect belliqueux de la cavalerie déployée sur le rivage le détourna de son projet.

Enfin les fils du chargé d’affaires de Danemark se portèrent médiateurs. Le traité de paix fut conclu à Gibraltar entre le consul marocain Bénoliel d’une part, le conseiller aulique Pflügel et le capitaine Bandiera d’autre part. On expédia de Vienne un présent splendide qu’accompagnèrent d’honorables gentilshommes, et qui fut offert en 1830 au pacha de Tanger par les signataires du traité, présentés eux-mêmes par le consul danois. La cargaison et l’équipage du Véloce furent rendus à l’Autriche, qui désigna pour son représentant officiel le consul de Danemark. Ce dernier arbora le pavillon autrichien ; inutile démonstration, les rapports du Maroc avec l’Autriche sont nuls, comme auparavant.

Depuis 1830, ou, pour mieux préciser l’époque, depuis la prise d’Alger, les courses des Marocains ont cessé. Des navires avec pavillon russe et pavillon belge ont fait des actes de commerce au Maroc sous les auspices de l’un des agens diplomatiques résidant à Tanger ; actes rares d’ailleurs ; qui provoqueraient, s’ils se multipliaient, des explications entre le Maroc et ces gouvernemens. Mais ce fait prouve que la prise d’Alger et les progrès de la France en Afrique ont produit sur ces peuples une impression profonde.