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LE MAROC ET LA QUESTION D’ALGER.

règle fixe, modifiant, augmentant, diminuant ses stipulations, abolissant ce qui existe, ou instituant ce qui n’a jamais existé.

L’histoire des relations diplomatiques de l’Europe avec le Maroc n’est donc que l’histoire des concessions humiliantes faites à cette puissance mahométane par les cours chrétiennes. En 1777, le sultan, voyant que le Portugal, le Danemark, la Hollande et la France, ne trouvant pas au Maroc les élémens de prospérité sur lesquels elles avaient compté, commençaient à déserter ses ports, ouvrit, par un manifeste, toutes les rades de l’empire au commerce européen. Ce manifeste n’avait qu’un but : attirer les commerçans et les agens diplomatiques, afin d’entamer des négociations, suivies d’exactions régulières et extraordinaires. Personne ne répondit à cet appel, et le sultan, désappointé, déclara que quiconque ne deviendrait pas son ami serait traité comme ennemi, c’est-à-dire qu’il armerait ses corsaires contre tout pavillon qui ne flotterait pas sur une maison consulaire à Tanger.

L’Europe était en guerre, et cette menace ne put être exécutée ; les corsaires auraient eu affaire à des navires contre lesquels ils ne pouvaient se mesurer. De 1800 à 1815, toutes les nations de l’Europe furent représentées directement par le chargé d’affaires de France. Plus tard, de 1822 à 1828, le sultan s’occupa du soin de consolider un trône ébranlé par les milices du palais. Mais dès qu’il fut solidement assis, et qu’il vit la marine marchande de toutes les nations naviguer sur le détroit, il reprit en sous-œuvre le plan de son prédécesseur. Une corvette fut mise sur le chantier de Rabat ; une autre corvette et deux bricks furent achetés à Gênes, en Portugal et en Amérique. Le consul portugais céda un joli schooner qui se trouvait mouillé sur la côte. On réorganisa le corps des marins, celui des canonniers, et l’on eut soin de répandre à travers toute l’Europe le bruit de ces préparatifs, qui n’étaient qu’un stratagème et une spéculation sur la terreur.

Les corsaires prirent cependant la mer en 1828, et se jetèrent d’abord sur deux navires anglais, qui furent capturés parce qu’on n’avait pas trouvé leurs papiers en règle. À la même époque, un navire autrichien, le Véloce, s’étant présenté à Rabat, on fit main basse sur la cargaison ; l’équipage fut mis aux fers. L’Autriche, dont le traité de paix avec le Maroc avait été renouvelé en 1805, avait négligé d’y entretenir un chargé d’affaires. Le sultan se souvenait aussi que Venise lui avait long-temps payé une rente annuelle de 100,000 livres, et qu’au lieu de se courroucer en 1780, lorsque le consul vénitien