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EXPÉDITION DE GOMEZ.

divisions de Ribero et d’Alaix étaient, la première à deux lieues, la seconde à trois lieues du champ de bataille. Elles ne firent aucun effort pour prendre part au combat. Narvaez campa sur les hauteurs de Majaceite ; puis, comme ses troupes étaient fatiguées des marches forcées qu’elles avaient faites pour se rendre de Castille en Andalousie, il prit, en vertu d’un ordre royal dont il était porteur, le commandement de la division d’Alaix, et se remit avec elle à la poursuite de Gomez.

Le général carliste, heureux d’avoir franchi, même au prix d’une défaite, le cercle qui l’enserrait, se dirigeait vers la Sierra-Morena, aussi vite que le lui permettait son convoi. La portion de ses troupes qui avait été battue à Arcos ne s’était ralliée qu’avec peine, et la confusion s’était mise dans son arrière-garde. Narvaez, informé qu’à Lucena, à Cabra, les soldats de Gomez se couchaient par terre, excédés de fatigue et refusant de marcher, voulut mettre la plus grande activité dans sa poursuite. Mais la division qu’il avait retirée à Alaix n’était pas habituée à tant d’énergie ; elle se révolta à Cabra contre son nouveau chef. Alaix, qui suivait à peu de distance, en reprit le commandement. Comme pour prouver qu’il était capable à son tour de promptitude, et pour racheter le temps que la révolte avait fait perdre, il fit marcher ses troupes toute la nuit, et rejoignit à Alcaudète Gomez, qui fuyait toujours. Il lui prit la plus grande partie de ses caisses et de ses munitions. Les soldats vainqueurs se partagèrent ce riche butin. Si, au lieu de s’arrêter à piller, ils avaient poursuivi leur avantage, il est probable que Gomez aurait fini par succomber ; l’indiscipline des troupes et la mollesse du chef le sauvèrent de ce pressant danger.

Cette rencontre d’Alcaudète fut la dernière. La division d’Alaix n’étant plus excitée par l’appât du gain, puisqu’elle s’était emparée de l’argent à Alcaudète, laissa Gomez s’en retourner sans chercher à le joindre, et se contenta de le suivre de loin. Parti d’Algésiras le 3 novembre, Gomez rentra le 19 décembre à Orduña, après avoir, en vingt-six jours, traversé l’Espagne tout entière, du sud au nord, dans une longueur de près de deux cent cinquante, lieues. À son arrivée dans les provinces basques, il n’avait pas avec lui plus de seize cents hommes, et il avait perdu presque tout le riche bagage dont on avait raconté tant de merveilles.

On sait quelle réception lui fut faite au quartier-général. Il y fut traité en criminel d’état, mis au secret, et privé même de toute communication avec sa famille. Ce dénouement d’une si brillante expé-