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trésors (que Gomez avait respectés), sous prétexte que, si les carlistes revenaient, ils pourraient s’en emparer. Les soldats se croyaient tout permis après de pareils abus, et ils ne se montraient nullement pressés de finir une guerre où ils étaient libres de piller à leur gré, comme les compagnies franches du moyen-âge.

Alaix ne fut pas immédiatement rappelé comme Rodil mais on sentit la nécessité de lui adjoindre un homme plus résolu avec des troupes moins démoralisées. On fit venir de Medina-Celi le brigadier don Ramon-Maria Narvaez, qui commandait une des divisions de l’armée du nord, et on lui ordonna de marcher aussi contre Gomez avec sa division.

Voilà donc trois généraux, Alaix, Ribera et Narvaez, qui manœuvraient à la fois contre un seul homme. Gomez leur tint tête quelque temps, mais il vit bientôt qu’il devait finir par succomber. Narvaez surtout ne lui laissait pas de relâche. Poursuivie à outrance, l’armée expéditionnaire repassa le Guadalquivir le 10 novembre, et rentra dans le royaume de Cordoue. C’est ici la dernière partie de l’expédition et la moins heureuse. Gomez était loin d’avoir les mêmes espérances que lors de sa première entrée en Andalousie. Ce général, qui répandait au loin la terreur, ne savait plus réellement comment s’y prendre pour tenir tête à ses adversaires. La terre allait bientôt lui manquer, car il était arrivé jusqu’au bout de l’Espagne, et il avait parcouru successivement toutes ses provinces, sans pouvoir planter sa tente nulle part. Il ne pouvait plus rien espérer de l’Andalousie ; les mœurs y sont trop molles, le sol trop riche, le climat trop délicieux, pour que la guerre civile y puisse avoir de grandes chances de durée. Embarrassé de ses prisonniers, il avait été obligé de les mettre en liberté. Ce qu’il pouvait désormais espérer de mieux, c’était de ramener ses troupes intactes à don Carlos, et de sauver le lourd butin qui gênait tous ses mouvemens.

Voici quel était l’aspect de l’armée expéditionnaire quand elle revint en Andalousie après son excursion en Estramadure On voyait d’abord défiler en bon ordre, musique en tête, environ quatre mille hommes d’infanterie, régulièrement habillés et équipés. Ces robustes soldats ne paraissaient pas fatigués malgré les marches presque miraculeuses qu’ils avaient faites. Après eux venaient huit cents hommes de cavalerie, coiffés du berret bleu et portant le manteau blanc, avec des pantalons bleus ou rouges, et montés sur des chevaux éprouvés. Gomez lui-même suivait à cheval, entouré d’un nombreux état-major ; son air était vif et résolu ; les femmes qui le regardaient passer re-