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EXPÉDITION DE GOMEZ.

tinua sa route sur Guadalupe, Truxillo et Caceres, et quand il fut arrivé à la hauteur du Tage, il redescendit de Caceres sur Cordoue par une ligne parallèle à celle qu’il avait suivie en allant, et se retrouva au bord du Guadalquivir, le 10 novembre, après avoir, en moins d’un mois traversé deux fois l’Estramadure dans toute sa longueur.

L’Estramadure avait de tout temps affecté le plus vif libéralisme, et ses gardes nationales avaient plusieurs fois menacé de marcher sur Madrid, si le gouvernement ne répondait pas à l’exaltation de leur patriotisme. La brusque arrivée des carlistes fit tomber les fumées de l’orgueil révolutionnaire ; ces terribles gardes nationales disparurent devant Gomez, qui les désarma partout. Une confusion inexprimable se répandit sur son passage et gagna de proche en proche toute la province ; mais le plus important des évènemens qui signalèrent cette promenade de deux cents lieues fut la prise d’Almaden. Almaden est une ville située au pied de la Sierra-Morena, et renommée par ses mines de mercure, qui sont une des plus grandes richesses de l’Espagne. Elle était défendue par le brigadier don Jorge Flinter, chef de la division active d’Estramadure, et par un autre brigadier, don Manuel de la Fuente, gouverneur de la place. Dès l’arrivée des carlistes, le 24 octobre, ces deux généraux se renfermèrent dans deux forts ; mais ils ne purent tenir long-temps, et furent obligés de se rendre. Dix-sept cents hommes furent faits prisonniers avec eux. Cette prise eut autant d’éclat que celle de Cordoue. Gomez montra dans sa victoire un caractère honorable et généreux ; on lui proposa de combler, en se retirant, les mines d’Almaden, qui rapportaient au gouvernement de la reine vingt-cinq millions de réaux par an ; il refusa, disant que ce trésor appartenait à l’Espagne et non à son gouvernement.

Qu’était-ce cependant que ce voyage extraordinaire qui avait tout bouleversé en Estramadure ? C’était pour Gomez un moyen de se dérober à la poursuite acharnée des forces qui le cernaient en Andalousie, et sans doute aussi une nouvelle tentative qui échoua comme les autres. Quand il se fut bien convaincu de l’impossibilité de créer un centre de résistance à Cordoue, il dut songer à d’autres manœuvres, et voici celle qui se présenta naturellement à son esprit. Une seconde expédition, commandée par don Pablo Sanz, venait de sortir des provinces basques. Il put croire que cette expédition tiendrait en échec vers le nord une portion notable des troupes constitutionnelles, et qu’il lui serait possible, pendant ce temps, de s’établir en Estramadure. Peut-être même avait-il pensé, si Sanz s’avançait vers