Page:Revue des Deux Mondes - 1840 - tome 24.djvu/583

Cette page a été validée par deux contributeurs.
579
EXPÉDITION DE GOMEZ.

7 septembre à Utiel. C’est là que, sur ses invitations réitérées et probablement sur les ordres de don Carlos provoqués par lui, les chefs valenciens et aragonais devaient venir le rejoindre. Non-seulement il put y arriver sans encombre, mais il put y rester huit jours sans être inquiété. Alaix s’était tranquillement arrêté à Cuença, et quand on lui reprocha son inaction, il répondit que ses troupes manquaient de souliers.

Cependant la jonction s’opérait à Utiel. Le brigadier carliste Quilez arriva le premier avec deux bataillons et quatre escadrons assez bien armés de fusils et de lances, mais sans uniformes. Don José Miralles, autrement appelé el Serrador (le scieur de long), commandant-général de Valence arriva à son tour avec deux bataillons et deux escadrons, mais mal armés et mal équipés. Enfin Cabrera, qui avait alors le grade de brigadier et le titre de commandant-général d’Aragon, arriva le dernier avec vingt cavaliers seulement. D’autres partisans moins importans, comme l’archiprêtre de Moya, vinrent aussi amener des renforts et demander des armes.

On peut évaluer à neuf ou dix mille hommes, dont la moitié environ de troupes régulières, les forces qui se trouvèrent rassemblées à Utiel. L’Espagne constitutionnelle crut qu’il y en avait bien davantage, et s’en alarma à l’excès. À la nouvelle de cette réunion, le ministre de la guerre Rodil sortit précipitamment de Madrid, et, renonçant au commandement de l’armée du nord, qui fut donné à Espartero, se porta sur Guadalaxara avec huit mille hommes pour couvrir la capitale et observer les mouvemens de Gomez. Ce n’était pas le cas de se tant inquiéter. À peine les chefs carlistes étaient-ils réunis, que la discorde se déclara parmi eux. Cabrera surtout souffrait impatiemment une autorité supérieure. Il n’avait consenti qu’avec répugnance à quitter ses montagnes et il n’aspirait qu’à y revenir ; il avait eu soin d’y laisser toutes ses forces pour défendre la forteresse de Cantavieja, qui était alors pour lui ce que fut plus tard Morella. Les premiers mouvemens de l’armée eurent un caractère d’incertitude très marqué, par suite des divisions qui régnaient dans son sein. Cabrera et les autres chefs de partisans voulaient rester dans le pays ; Gomez, au contraire, voulait porter la guerre dans l’Andalousie, sa patrie. Un coup de main fut tenté sur la petite ville fortifiée de Requeña ; mais cette attaque, conduite sans énergie, échoua devant le courage de ses habitans et de sa faible garnison. Cet effort pour établir dans la province de Cuença un centre de résistance n’ayant pas eu de suite, l’avis de Gomez dut prévaloir.