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cité de Sant-lago accueillit avec transport le représentant de la monarchie absolue ; peuplée presque tout entière de prêtres, cette ville avait dû long-temps sa richesse à la célébrité de son saint, révéré par la pieuse Espagne. Une imposition particulière, connue sous le nom de voto de Sant-Iago (vœu de saint-Jacques), était perçue dans tout le royaume pour l’entretien de sa cathédrale et de son archevêché, et cette imposition avait été supprimée par les premières cortès réunies après la proclamation de l’Estatuto real. Ce souvenir ne contribua pas peu à la réception qui fut faite à Gomez ; le corps expéditionnaire fit son entrée au bruit de toutes les cloches, et dans la soirée, de brillantes illuminations témoignèrent de la joie publique.

Mais de pareilles manifestations n’ajoutaient rien à la force réelle de l’armée. Cette troupe, déjà si faible à sa sortie des provinces basques, s’était encore affaiblie par la désertion et par les pertes qu’elle avait faites en malades, traînards, tués ou blessés. Le bataillon formé dans les Asturies était resté dans cette province pour y entretenir la guerre ; de leur côté, les prêtres de Sant-Iago se contentaient d’adresser au ciel de ferventes prières pour le succès du roi légitime, et ne fournissaient que peu d’argent et de recrues. Gomez passa à Sant-Iago encore moins de temps qu’à Oviedo ; entré le 18 juillet, il en sortit dans la nuit du 19 au 20, toujours poursuivi l’épée dans les reins par Espartero. Ce moment fut même un des plus critiques pour l’armée expéditionnaire. Les chefs constitutionnels avaient combiné leurs opérations pour la traquer dans ce coin étroit de la Péninsule, et elle avait à la fois autour d’elle le corps d’Espartero renforcé de celui de Pardiñas, la colonne commandée par le général Latre, une autre colonne sous les ordres du marquis de Astariz, un fort détachement qui arrivait de la Corogne, et plus loin, au sud, couvrant les frontières du Portugal, une division portugaise commandée par le baron Fuente Santa-Maria.

Gomez échappa à cette situation difficile à force d’agilité. Pendant que les journaux de Madrid annonçaient qu’il ne pouvait manquer d’être bloqué et détruit, il se portait sur Mondoñedo, vers le nord, par le seul chemin qui fût resté ouvert. Il traversa ainsi la Galice pour la seconde fois, dans toute sa largeur, mais sans réussir davantage à l’insurger. Un seul partisan se présenta, connu sous le nom de l’Evangéliste, el Evangelista ; Gomez lui fit délivrer des armes, des munitions, et distribua dans sa troupe des brevets d’officier. Le reste de la population resta immobile. Les Galiciens sont, comme on sait, les Auvergnats de l’Espagne ; ils émigrent en plus grand nombre