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RAYMOND LULLE.

alors plus tranquille pour un philosophe, et se livra tout entier à la chimie, comme il nous l’apprend dans son livre : De Mercuriis. Ces repos scientifiques n’étaient, pour Raymond Lulle, qu’un moyen de rassembler ses forces, afin de se livrer avec une nouvelle ardeur à son infatigable activité de corps et d’esprit. De Milan, il alla bientôt à Montpellier, où il professa ses doctrines philosophiques. Jusqu’à cette époque, il n’avait eu d’autres liens avec les sociétés religieuses que la vivacité de sa foi et l’ardeur de son zèle pour la propagation de la religion catholique. Pendant ce séjour à Montpellier (1297), il reçut, à l’âge de soixante-deux ans, du général des franciscains, Raymond Gauffredy, des lettres d’association comme bienfaiteur de l’ordre, intimant à tous les supérieurs soumis à sa juridiction de permettre au docteur illuminé d’enseigner dans leurs maisons selon sa méthode. Cette faveur donna une grande autorité à ses doctrines et contribua puissamment à les répandre.

Mais il faut rendre cette justice à Raymond Lulle, qu’il ne s’endormait jamais sur sa gloire, et qu’à peine voyait-il ses espérances se réaliser sur un point, qu’il reportait aussitôt toute son activité sur un autre. Les refus qu’il avait essuyés à la cour de Rome se représentèrent à son esprit, et lui firent reprendre avec d’autant plus de vigueur son projet d’établir des écoles. Ce n’était plus au pape qu’il voulait s’adresser cette fois, et sans balancer un seul instant à l’idée des voyages qu’il projetait, de Gênes où il était retourné, il alla successivement en France, en Sicile, à Maïorque, et enfin jusqu’à l’île de Chypre, pour exhorter les souverains de ces pays à établir dans les monastères de leurs états des écoles pour les langues orientales. Partout encore il n’éprouva qu’indifférence et refus.

Il était à Chypre vers 1300, désabusé de toutes les espérances qu’il avait fondées sur les autres, et ne comptant plus absolument que sur lui-même. Pour que son voyage ne devînt pas entièrement stérile, il passa en Arménie, parcourut cette contrée, redescendit vers la Palestine professant partout ses doctrines, exhortant les chrétiens à combattre les Turcs, prêchant le christianisme aux mahométans et s’efforçant de ramener à l’unité catholique les jacobites, les nestoriens et tous les hérétiques qu’il rencontrait sur son passage.

Apres cette longue et pénible course, il revint à Gênes, point central d’où il semblait préparer les entreprises nouvelles qu’il méditait, Puis à Montpellier. Il composa, dans ces deux dernières villes, un grand nombre d’ouvrages sur diverses matières, et entre autres Brevis