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occasion d’augmenter et de perfectionner les armes intellectuelles destinées à combattre et à détruire les erreurs de Mahomet.

C’est donc sans étonnement que l’on doit voir le nom de saint Thomas d’Aquin adjoint à celui du chimiste Albert-le-Grand, dont il devint l’élève favori, lorsqu’il lui fut confié à Cologne par Jean-le-Teutonique, quatrième général de l’ordre des dominicains. Sous ce maître, Thomas apprit non-seulement la théologie, mais parcourut le cercle des sciences, et se garda bien d’omettre la chimie.

Roger Bacon, le moine anglais, contemporain d’Albert, de Thomas et de Raymond Lulle, suivit la même direction qu’eux, et au nombre de ses écrits, tous destinés à consolider la théologie et à combattre les doctrines mahométanes, se trouve un traité de chimie, Speculum alchemiæ[1].

Alain, natif de l’Isle, dans les Pays-Bas, moine de Clairvaux et évêque d’Auxerre en 1151, surnommé le docteur universel, à cause de la variété de ses connaissances, cultiva également la chimie et s’occupa de la transmutation des métaux dans des intentions pieuses. Un seul homme en ce temps semble s’être écarté du principe exclusivement religieux qui servit de règle à tous les autres savans. Arnaud de Villeneuve, né en Provence, mérita plus d’une fois les censures de l’église, et risqua même d’être frappé de ses foudres, en répétant que « les œuvres de charité et de médecine sont plus agréables à Dieu que le sacrifice de l’autel. » Sceptique, pour ne rien dire de plus, on dirait que dans son temps, où la foi religieuse était si ardente, Arnaud de Villeneuve n’eut que la religion de la science ; mais il l’honora par la multiplicité et l’éclat de ses travaux en chimie[2]. On lui attribue, sinon l’invention de l’art de distiller, indiqué par Dioscoride, du moins des expériences nouvelles pour faire connaître l’importance de la distillation et les résultats utiles qu’on en peut obtenir. On a cru qu’il avait trouvé l’eau-de-vie ; cependant il n’en parle que comme d’une chose déjà connue, puisqu’en effet Rhazès en avait fait mention trois siècles avant ; c’est avec plus de raison qu’il passe pour avoir découvert l’essence de térébenthine, qu’il désigne sous le nom d’oleum mirabile. Quoi qu’il en soit, ces diverses opérations, qui le

  1. Il se trouve dans la Bibliothèque de Mauget, tom. Ier, pag. 613.
  2. Les curieux pourront consulter ses principaux traités : Thesaurus thesaurorum, — Novum lumen, — Perfectum magisterium, — Speculum Alchemiæ, — Questiones essentiales et accidentales, — Semita Semitæ, — Testamentum, qui se trouvent dans le premier volume de la Bibliothèque de Mauget, pag. 662-704.