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LE BHÂGAVATA PURÂNA.

Purâṇa, dont l’auteur s’appelait Vopadeva. Une origine si récente a paru aux fanatiques adorateurs de Vichnou indigne de l’œuvre révérée qui raconte les aventures et célèbre la gloire de leur dieu favori. Ils ont donc fait remonter la rédaction de ce Pourana à ces temps d’une antiquité fabuleuse où le personnage douteux de Vyasa a, dit-on, présidé à la composition ou du moins à l’arrangement des Vedas. Cette question a été dans l’Inde le sujet d’une controverse assez vive, dans laquelle la passion religieuse se mêlait à l’intérêt bibliographique.

C’était à la fois pour les brahmanes vichnouites engagés dans cette lutte ce qu’est pour nos érudits la question de l’authenticité des poésies homériques, et pour nos théologiens la question de l’authenticité des livres saints. Cette controverse a donné naissance à des pamphlets sanscrits. M. Burnouf nous fait connaître ces curieux échantillons de la critique indienne. Les raisonnemens du défenseur de l’antiquité des Pouranas font plus d’honneur à sa dévotion qu’à son jugement en matière de littérature ; les argumens de son adversaire ne sont pas tous de la nature de ceux que nous emploierions en pareil cas ; quelques-uns, cependant, ne seraient pas désavoués par la méthode occidentale. Ainsi il remarque que le style du Pourana en question est très différent du style des grandes épopées indiennes. La thèse soutenue par l’auteur des deux petits traités qui portent les titres bizarres de un Coup de sandale sur la face des méchans et un Soufflet sur la face des méchans, cette thèse est démontrée par M. Burnouf, qui, en resserrant l’époque possible de la rédaction du Vichnou-Purâna entre deux limites extrêmes, prouve fort habilement que Vopadeva, auteur du Bhâgavata Purâṇa, a vécu entre le xiie et le xive siècle, et par là confirme l’opinion de Colebrooke et de M. Wilson, qui le plaçaient au xiiie.

Mais cette époque tardive de la rédaction des Pouranas n’empêche pas qu’ils ne contiennent des idées et des traditions d’une époque beaucoup plus ancienne. Le personnage dans la bouche duquel on place les enseignemens que plusieurs de ces poèmes renferment est un barde guerrier, ce qui, pour emprunter les paroles de M. Burnouf, nous reporte aux premiers âges de la société indienne, « lorsqu’elle conservait encore ce caractère martial qui brille d’une splendeur si vive dans le Mahabarata, malgré les efforts que paraît avoir faits le génie brahmanique pour l’éteindre dans le calme et dans le silence des spéculations de la plus profonde théosophie. » Sous leur forme actuelle, il est vrai, les Pouranas sont beaucoup plus religieux que