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LE BHÂGAVATA PURÂNA.

naître si avantageusement le charmant drame de Sacontala et les pièces traduites par M. Wilson.

Ici on trouve, ce qui est rare dans l’Inde, une date à peu près certaine, le premier siècle de notre ère. Après ce triple développement, cette triple métempsycose d’une littérature dans laquelle semble s’être réalisé le dogme indien de la succession des existences, la vie poétique n’est pas encore tarie dans l’Inde ; pareille à la vie des dieux de la mythologie brahmanique, elle se manifeste par une dernière incarnation, un dernier avatar. Ce produit suprême du génie indien, né après tous les autres, et les résumant tous dans une confusion puissante, dans un désordre qui a sa grandeur, ce sont les Pouranas. Cosmogonie et théogonie, mythologie et métaphysique, hymnes et légendes, tels sont les principaux élémens des Pouranas. Ces élémens sont entassés pêle-mêle ; nul ordre logique entre les diverses parties d’un Pourana, nulle narration suivie qui rattache les évènemens par un fil continu, ou les enferme dans un cadre commun ; la forme de ces poèmes est, en général, un dialogue entre deux personnages sacrés qui répètent d’anciens enseignemens, et se livrent à des digressions infinies dans lesquelles ils font entrer des systèmes cosmogoniques ou philosophiques, des récits légendaires[1] ou des mythes. Le seul lien qui unisse ces portions incohérentes, et en forme un tout, c’est la dévotion enthousiaste de l’auteur à l’un des trois dieux qui se partagent l’adoration des diverses sectes de l’Inde, Brahma, Vichnou et Siva. Parmi les Pouranas, il n’en est presque point qui ne soient consacrés à la glorification de l’une de ces trois grandes divinités. On pourrait les appeler des cantiques immenses, des litanies gigantesques développées à l’infini par l’inépuisable fécondité de l’imagination hindoue.

La lecture des Pouranas est très populaire dans l’Inde, beaucoup plus que celle des monumens antérieurs, et surtout des Vedas réservés aux brahmanes. Les femmes et les castes inférieures des Soudras s’instruisent par les Pouranas[2] ; ils ont été traduits dans plusieurs idiomes vulgaires de l’Inde, et offrent un remaniement des textes

  1. C’est là ce qui constitue le fonds commun des Pouranas ; mais d’autres matières encore y trouvent place. Le Vichnou-Purâna, par exemple, contient, dans le vie livre, une description géographique de l’univers, un système astronomique, une sorte de chronique racontant l’histoire de l’établissement de la race hindoue dans le Pendjab. Le Padma-Purâna est une espèce d’encyclopédie qui contient jusqu’à des chapitres dans lesquels il est traité de la médecine et de l’art sagittaire.
  2. Vishnu-Purana, translated by Wilson, pref., pag. xx.