Page:Revue des Deux Mondes - 1840 - tome 24.djvu/466

Cette page a été validée par deux contributeurs.
462
REVUE DES DEUX MONDES.

Histoire de la Langue et de la Littérature des Slaves, par M. Eichoff. — Les peuples slaves occupent plus d’un tiers de l’Europe actuelle ; les Russes, les Serbes, les Bohêmes, les Polonais, les Lettons, se rattachent à cette vaste branche de la famille humaine. L’ancienne civilisation slave est à peu près inconnue ; mais, dans l’histoire moderne de l’Europe, ces races acquièrent chaque jour plus d’importance. Sans croire pour cela qu’elles soient un jour destinées à la conquête du monde, comme paraîtraient assez disposées à le penser quelques imaginations craintives, il importe de faire leur part à ces populations déshéritées presque entièrement jusqu’ici de l’importance historique et de la culture intellectuelle. Les études relatives à la littérature slave ne sont donc pas sans intérêt ; néanmoins, ce n’est pas à coup sûr « un champ inépuisable, » comme le dit M. Eichoff. La seule lecture du livre dont nous avons à parler, livre fort vide de faits et à plus forte raison d’idées, suffit à convaincre au contraire de la stérilité du sujet.

M. Eichoff a divisé son mince volume en quatre parties bien distinctes : histoire, langue, littérature, poèmes nationaux.

Dans la première, l’auteur a cherché à résoudre un problème dont Bossuet (qui a pourtant écrit dans son temps le Discours sur l’histoire universelle) se serait à peine tiré. Il a trouvé moyen en cinquante pages, fort peu compactes, de donner les annales complètes des populations slaves. Je concevrais, dans si peu d’espace, une vue générale, un aperçu philosophique ; M. Eichoff s’en est gardé. La partie historique de son travail n’est qu’une simple nomenclature. Tout y a sa place, depuis les Cimmériens d’Homère et les Scythes d’Hérodote jusqu’à la sage sollicitude et la sévère justice de l’empereur Nicolas. Puisque M. Eichoff voulait être purement didactique, pourquoi n’a-t-il pas fait un atlas à la manière de Las-Cases et de Khruse ? On y aurait gagné quelques résultats positifs, usuels, tandis que les pages qu’il a écrites semblent une gageure par laquelle l’auteur aurait promis de réunir dans des phrases ternes et banales quelque liste chronologique, quelque table de l’Art de vérifier les dates.

La seconde partie du livre s’adresse aux lexicographes et aux linguistes. Ce sont des questions d’alphabet, de vocabulaire, de grammaire ; l’ensemble de l’expression orale des Slaves est examiné dans ses nuances. M. Eichoff va avec empressement de la déclinaison à la conjugaison, des racines aux dérivés ; il abonde, on voit qu’il est sur son terrain. Les étymologies ne lui coûtent pas ; il parle, comme d’une chose complètement démontrée, de l’étroite affinité des idiomes slaves avec le sanscrit, et des langues celtiques avec le zend. J’aimerais mieux plus de réserve et même un peu de scepticisme. Ce qu’on apprend de plus positif dans cette seconde partie de l’ouvrage de M. Eichoff, c’est que l’alphabet slave a été composé au IXe siècle par le moine Cyrille, qui en a emprunté les caractères, combinés ensuite par lui, à l’arménien, à l’hébreu, au copte ; c’est surtout que les langues slaves se divisent en trois branches : la branche serborusse, à l’est, qui comprend l’esclavon, le russe, le serbe, le carnique ; la branche vendo-polonaise, à l’ouest, qui comprend