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du moins, par la Porte, fort imprudemment, et contre leur gré. Nous ne croyons nullement à la sincérité de ces regrets ; nous sommes persuadés que si la France était demeurée spectatrice impassible des exploits de l’alliance anglo-russe, et n’avait appuyé sa diplomatie d’un armement considérable, les bombes anglaises auraient, à l’heure qu’il est, foudroyé Alexandrie, incendié la flotte égyptienne, et qu’on aurait essayé de faire en Égypte ce qu’on a voulu faire en Syrie, c’est-à-dire réaliser la déchéance du pacha avant de la lui notifier. Mais, quoi qu’il en soit de nos opinions, toujours est-il que la politique du 8 octobre est d’autant plus digne d’être maintenue, maintenue avec fermeté, avec sincérité, dans son principe et dans toutes ses conséquences, que l’étranger lui-même a été forcé de reconnaître qu’il n’y avait rien là d’incompatible avec la paix, telle que la France a droit de la vouloir, avec une paix digne et honorable.

Aussi, répétons-le, sommes-nous profondément convaincus que la politique du 29 octobre ne sera que le maintien et la continuation de la politique du 1er mars. M. Guizot, l’honorable représentant de la France à Londres pendant l’administration de M. Thiers, ne peut en vouloir, je dis plus, en concevoir une autre, une autre qui soit moins digne et moins ferme.

Dès-lors, il faut bien le dire, se représente nécessairement à l’esprit cette question : Pourquoi le cabinet se compose-t-il d’autres hommes que ceux qui ont envoyé aux puissances la note du 8 octobre ?

Voulaient-ils, en abordant les chambres, dépasser cette limite ? Le contraire est positif ; le cabinet du 29 octobre ne l’ignore pas ; MM. Thiers, Rémusat, Cousin, Jaubert, ne sont pas plus les représentans de la guerre révolutionnaire, de la guerre pour la guerre, que MM. Guizot, Soult, Villemain et Teste. Si de vaines déclamations venaient, dans les chambres, assaillir le cabinet du 1er mars, les réponses seraient péremptoires, et ces réponses, loin d’être contredites, seraient appuyées par les ministres du 29 octobre. Ils connaissent les faits, et leur loyauté ne leur permettrait pas de les dissimuler.

Il faut cependant trouver une différence autre que celle de la date entre le 1er mars et le 29 octobre. Des hommes éminens ne viennent pas prendre une place uniquement pour l’occuper ; s’ils n’espéraient pas y apporter quelque chose de nouveau et qui leur soit propre, ils auraient été les premiers à donner à la couronne et au cabinet qui vient de se retirer, le conseil de présenter aux chambres la politique du 8 octobre, sous la responsabilité de ses auteurs. Ils auraient promis leur concours, et auraient respectueusement décliné le premier rôle. Le contraire étant arrivé, ils ont donc la certitude ou l’espérance d’apporter au gouvernement du pays une pensée qui leur est propre, des moyens que le cabinet du 1er mars n’avait pas.

Ici nous pourrions nous arrêter et attendre les paroles solennelles que la France entendra le 5 novembre. Les faits, et des faits si prochains, ne doivent pas être remplacés par des conjectures intempestives. Les nôtres seraient complètement hasardées ; la pensée, les espérances, les projets du cabinet, nous sont absolument inconnus. Nous attendons, et notre vieille estime pour les