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séculaires, les représentations scéniques ne formaient qu’une faible partie des spectacles. Il est vrai que peu à peu les féries se prolongèrent ; il ne fut pas rare de voir telle solennité, surtout votive, triomphale ou de dédicace, durer trente jours[1], cent jours[2], cent vingt-trois jours[3], et sur ce nombre plusieurs, sans aucun doute, étaient consacrés aux jeux scéniques, surtout à ceux des mimes et des pantomimes. Il est vrai encore qu’outre les représentations solennelles, il y avait sur les théâtres grecs et romains des représentations données aux frais des entrepreneurs, qui obtenaient ou achetaient ce droit des magistrats[4], spéculant, comme de nos jours, sur la curiosité publique, particulièrement sur celle des classes qui, dans les grandes solennités, n’étaient pas admises au théâtre[5]. La multiplicité des divertissemens de ce genre finit même par devenir une distraction funeste pour le peuple et nuisible à l’expédition des affaires publiques et privées. Marc-Aurèle, pour remédier à ce désordre, voulut que le spectacle des pantomimes commençât plus tard et ne se donnât pas tous les jours[6]. À cette restriction, qui semble prouver qu’il y avait alors des représentations quotidiennes, il faut ajouter le témoignage du médecin illustre Galien, qui raconte que trois pantomimes, Pylade, Morphus, et un autre qu’il ne nomme pas, jouaient alternativement et de deux jours l’un[7]. Il faut ajouter encore le mot que l’histoire attribue à l’empereur Gallien. Ce prince, dit Trébellius Pollion, au milieu des plus graves préoccupations politiques, demandait continuellement à ceux qui l’approchaient : « Que donne-t-on demain au théâtre ? » Qualis cras erit scena[8] ? Mais ces spectacles, presque quotidiens, n’étaient pas les spectacles nationaux et officiels ; c’étaient des passe-temps offerts à l’oisiveté par la cupidité des entrepreneurs, c’étaient des représentations éventuelles et irrégulières, à peu près comme celles qui ont lieu aujourd’hui dans nos villes de province. Aussi y avait-il des jours de relâche, et souvent même des temps de clôture. Sénèque parle de ces vacances affichées,

  1. Suet., August., cap. XXXII.
  2. Xiphil., lib. LXVI, cap. XXV.
  3. Dio, lib. XLVIII, cap. XV.
  4. Chandler, Inscr., ii, 109, pag. 74.
  5. Cicer., De Harusp. resp., cap. XII.
  6. Capit., Marc. Anton., cap. XXIII. — Pour protéger le travail contre la dissipation qui se cachait sous des prétextes religieux, Marc-Aurèle réduisit les jours fériés à trente-cinq par année. V. Capit., ibid., cap. X.
  7. Galen., Comm. de prœnotione tom. VII, pag. 839, seq., ed. Chart. C’est la charmante histoire de la jeune femme amoureuse du pantomime Pylade.
  8. Trebell. Pollio, Gallieni Duo, cap. IX. — Cette question suppose l’existence des annonces ou des affiches de spectacle.