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DE LA MISE EN SCÈNE CHEZ LES ANCIENS.

d’Athènes[1], n’a éprouvé tant de peine à résoudre ce problème que pour s’être persuadé que plusieurs des fêtes dont les concours scéniques faisaient partie, ne duraient qu’un jour, Diogène de Laerce rapporte que les concours de tétralogie avaient lieu en quatre occasions, aux Dionysies, aux Lénéennes, aux Panathénées et aux Chytres[2]. L’illustre critique a pensé que par les Lénéennes et les Chytres il fallait entendre la seconde et la troisième journées des Anthestéries. Mais il est plus vraisemblable que par les Chytres Diogène Laerce a voulu indiquer l’ensemble des trois fêtes dont les Chytres faisaient partie, c’est-à-dire les Anthestéries, et que par les Lénéennes il a entendu, non pas le second jour des Anthestéries, désigné plus ordinairement par le nom de Choës, mais les Dionysies de la campagne, qu’on appelait aussi Lénéennes[3], et qui, comme les Anthestéries, ou Dionysies de la ville, duraient plusieurs jours.

C’est à la difficulté gratuite de trouver place pour la représentation de quinze drames dans l’espace d’une seule journée qu’est due la naissance de divers systèmes fort bizarres. Plusieurs savans, et Casaubon lui-même, forçant le sens du passage de Diogène de Laerce, ont cru apercevoir je ne sais quel rapport mystique entre les quatre parties d’une tétralogie et les quatre fêtes annuelles de Bacchus[4]. Ils ont prétendu même, par une conjecture encore plus étrange, qu’on ne jouait qu’une seule des pièces d’une tétralogie à chacune de ces fêtes, de sorte que la représentation de l’œuvre entière n’eût été achevée qu’avec l’année. Cette invraisemblable hypothèse, admise par Twining, traducteur et commentateur de la Poétique d’Aristote[5], a entraîné le jugement ordinairement si ferme de Lessing[6]. Boettiger, dans sa dissertation sur le masque des Furies, trouve qu’on a été trop loin, en supposant qu’une tétralogie se partageât à Athènes entre les quatre fêtes de Bacchus ; mais il semble admettre[7] que chacun des drames composant une tétralogie pouvait être joué à différens jours, l’un après l’autre, « ce qui ne mettait pas, dit-il,

  1. Barthélemy, Mém. de l’Acad. des Inscript., tom. XXXIX, pag. 172 et suiv.
  2. Thrasyll., ap. Diog. Laert., in Plat., lib. III, cap. LVI. — Suid., voc. τετραλογία.
  3. Gyrald., De comœdia. — Aldobrandin, Obs. in Diog. Laert.
  4. Casaub., De Satyr. poes., lib. I, cap. V, pag. 160.
  5. Thom. Twining, Aristotel’s treatise on poetry, pag. 475, seqq.
  6. Lessing, Vermischte Schriften, tom. XIV, Leben des Sophocles, pag. 383.
  7. Boettiger, Die Furienmaske, dans ses Kleine Schriften, tom. I, pag. 193, not. — Je dis que Boettiger semble admettre cette opinion, parce qu’en effet ce passage est d’une rédaction fort obscure ; M. Winckler, qui a traduit l’opuscule de Boettiger, a adopté le sens que j’indique.