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DE LA MISE EN SCÈNE CHEZ LES ANCIENS.

théâtres, les scènes les plus frappantes de la pièce qu’on doit jouer le soir, peintes sur des bandes de papier par un des acteurs de la troupe, qui s’acquitte presque toujours de cette tâche avec esprit et originalité. Les directeurs de nos spectacles en plein vent n’ont pas perdu, non plus, l’habitude de ces tableaux-annonces, comme on peut s’en convaincre en parcourant nos boulevards et nos foires.

Quant aux affiches graphiques, la vue des murs de Pompéï a mis hors de doute leur existence. Déjà nous savions par Plaute que l’on tapissait, de son temps, les murs de Rome d’annonces écrites en caractères longs de plus d’une coudée[1], pour réclamer les objets perdus ou donner avis des objets trouvés. Des fouilles, faites à Pompéï au commencement de ce siècle, ont mis à découvert quelques unes de ces affiches, tracées au pinceau et en lettres rouges. Celles qu’on a publiées jusqu’ici ne se rapportent, il est vrai, qu’à des chasses et à des combats de gladiateurs[2] ; mais il est probable qu’on employait le même procédé pour annoncer le jour, l’heure et la composition des jeux scéniques, ainsi que les promesses plus ou moins attrayantes que les éditeurs ou les directeurs adressaient au public, comme, par exemple, lorsque les spectateurs devaient être abrités par des toiles : vela erunt[3].

Enfin, les anciens ont connu peut-être les affiches tracées sur des tablettes de cire. Une peinture d’Herculanum nous montre l’intérieur du cabinet, ou, comme nous disons, de la loge, où s’habille un tragédien. Une femme, agenouillée devant un meuble surmonté d’un masque, trace avec la pointe d’un style quelques mots que les antiquaires de Naples ont supposé pouvoir être le titre de la tragédie qu’on se préparait à jouer[4].

Je ne dois pas oublier une autre sorte de monumens qu’on a signalés comme ayant fait l’office d’annonces : je veux parler des tessères, conservées dans diverses collections, et dont quelques-unes viennent d’être trouvées à Valognes[5] et à Arles.

Les tessères qu’on nomme théâtrales, pour les distinguer de celles qui avaient une autre destination, sont des jetons ordinairement

  1. Plaut., Rud., act. V, sc. ii, v. 7.
  2. Millin, Description d’une mosaïque antique, pag. 8.
  3. Romanelli, Viagg. a Pompeï, tom. I, pag. 82. — Orell., Inscript., n. 2556 et 2559. — Mazois, Ruines de Pompéï, tom. III, frontispice.
  4. Le Pittur. antich. d’Ercol. tom. IV, tav. XLI.
  5. La tessère trouvée dans le théâtre d’Alauna (Valognes) est un jeton de bronze, un peu plus grand qu’une pièce de cinq francs, ayant d’un côté le no 1 et de l’autre six points disposés en demi-cercle.