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PHILOSOPHIE CONTEMPORAINE.

Maintenant, où prend naissance la conscience de l’action ? Maine de Biran répond comme Destutt de Tracy, et comme Stahl avant eux dans le mouvement volontaire.

Enfin la conscience de notre mouvement volontaire n’existe que dans la conscience d’un effort, par lequel nous surmontons une résistance pour produire le mouvement. Dans la conscience comme dans la nature extérieure, l’action implique la réaction. La réaction qui nous est opposée se fait connaître à nous par une sensation. L’action se fait connaître par elle-même, dans la conscience actuelle et immédiate de notre volonté motrice.

La conscience de cette volonté motrice n’est pas un composé de deux faits, d’un côté le mouvement, de l’autre la volonté qui le produit. Le mouvement ne nous est pas donné ici comme détaché de l’acte qui le fait être, et l’acte de la volonté ne nous est pas connu hors de ce mouvement actuel où il se réalise. « On voit donc bien ici, dit Maine de Biran, qu’il n’y a pas deux faits, deux modes spécifiquement différens, en connexion accidentelle, mais un seul fait, un seul et même mode actif, et relatif par sa nature, de telle sorte qu’on ne peut isoler l’un de ses deux élémens constitutifs sans l’anéantir ou le détruire[1]. » — « L’effort voulu est un seul fait composé de deux élémens, un seul rapport à deux termes, dont l’un ne peut être isolé de l’autre sans changer de nature, et sans passer du concret à l’abstrait[2]. »

Ainsi, la conscience de l’activité motrice est la connaissance immédiate d’une cause, d’une cause liée en un fait indivisible avec son effet. Ce n’est pas la connaissance abstraite d’une simple capacité, d’une cause à part de son effet, mais bien d’une cause agissante et dans son efficacité réelle. Cette cause, c’est moi-même, moi, me manifestant dans un signe extérieur en contraste avec le non moi où je l’imprime. La cause efficace n’est point l’objet seulement de ma conscience, elle est le sujet qui sait, et, à vrai dire, la conscience elle-même.

L’école écossaise en général sépare la conscience de la perception des phénomènes extérieurs, et la définit : la connaissance des phénomènes internes ou modifications du moi. C’est là le point capital sur lequel M. Hamilton s’éloigne d’elle. Il a très bien remarqué qu’elle prenait là une distinction logique pour une différence réelle, et que

  1. Œuvres (réunies et éditées par M. Cousin), pag. 374.
  2. Ibid., pag. 372.